Sur France Culture, le philosophe Raphaël Enthoven présente avec la toute jeune Paola Raiman « Le Gai Savoir ». Une association harmonieuse.
« La philosophie est fille de l’étonnement”, disait Aristote. Elle se nourrit de cet état de flottement fécond où la pensée vacille, se trouble, se fige devant l’objet qui se dérobe à elle, avant de se remettre en marche. Elle ne relève au fond ni du savoir constitué, ni de la compétence experte, ni même de l’âge ou de l’expérience. “Avant même que d’être affaire de raison, elle est affaire de curiosité, de candeur donc de jeunesse”, rappelait, il y a quelques semaines encore, Raphaël Enthoven au cours d’une de ses émissions du Gai Savoir, qu’il anime chaque dimanche à 16 heures sur France Culture. On comprend donc pourquoi c’est une très jeune fille, à peine sortie du lycée, Paola Raiman – fille de l’historien Pierre Raiman –, qu’il a choisie pour lui donner la réplique et l’accompagner dans cet art subtil de la conversation, que met en scène Le Gai Savoir avec un rare éclat.
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“J’étais en terminale quand Raphaël m’a proposé de participer à la centième du magazine Philosophie sur Arte, se souvient la jeune Parisienne de 21 ans. Comme l’échange s’est tout de suite révélé fluide et fructueux entre nous, il m’a proposé de collaborer à sa nouvelle émission de radio la rentrée suivante. C’était il y a trois ans.” Depuis, en compagnie de son mentor, elle questionne chaque semaine, avec enthousiasme et finesse, les grands classiques de la pensée et de la littérature. Descartes, Epicure, Spinoza, Bergson, Shakespeare, Balzac, Melville, Proust, Camus, Nietzsche – auquel l’émission emprunte le titre d’un des ouvrages – ou encore Socrate et Platon, dont les dialogues semblent servir de modèles à ces lumineuses causeries dominicales.
« Pas une parole d’expert mais un dialogue maïeutique, comme chez Platon »
Fervente lectrice, passionnée de cinéma (elle vient de tenter la Fémis), la jeune “disciple” impressionne par sa culture et son étonnante maturité. Mais le charme de l’émission tient surtout à l’alchimie harmonieuse de l’échange. “C’est la force du dispositif que Raphaël a mis en place, précise Paola. Il ne voulait pas une parole d’expert mais un dialogue maïeutique, comme chez Platon. D’ailleurs, à cause de mes études en classes prépa, j’ai peu de temps pour me préparer, du coup tout se passe finalement au moment de l’enregistrement, ce qui donne aux émissions une spontanéité non feinte et des moments troublants, où j’ai l’impression de comprendre en direct quelque chose que je n’avais pas saisi avant. Ce qui est à la fois épuisant mais surtout exaltant.” Au fil des semaines, on assiste ainsi à la naissance et à la construction d’une pensée. Comme si, en mettant en scène la question de la transmission, l’émission faisait de l’auditeur le témoin complice d’un petit miracle : un moment unique de philosophie “à l’œuvre”, où la pensée tâtonne, s’égare, avant d’entrevoir la lumière.
Anaïs Leehmann
Le Gai Savoir tous les dimanches, 16 h, France Culture
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