La semaine dernière, on s’est interrogé avec Mathieu Lindon, Nicolas de Crécy et Stanislas Nordey sur la fidélité et le rapport aux systèmes et à l’ordre. Et Django Django nous a fourni la réponse.
Mon cher Inrocks, “rester/partir”, c’est la question qui traverse Jours de Libération de Mathieu Lindon. C’est la crise dans le journal pour lequel il travaille depuis près de trente ans. Plusieurs de ses compagnons de route s’en vont. Libé est racheté. Les journalistes peuvent partir dans des conditions financières avantageuses. Le journal n’est, ni ne représente plus tout à fait ce qu’il a été. En même temps, c’est une histoire de trente ans, une aventure humaine, intellectuelle, politique, amicale, un morceau de soi qu’il faudrait larguer.
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Alors, rester/partir ? That is the question, dans nos vies professionnelle, sentimentale, parfois dans nos vies tout court. Une question que nul principe de sagesse, de rationalité, de morale, ne peut épuiser. Qu’est-ce qui est courageux ? Qu’est-ce qui est lâche ? Qu’est-ce qui est fidélité ? Qu’est-ce qui est paresse ? Partir, est-ce se libérer, casser les routines, s’offrir un nouveau départ ? Nicolas de Crécy, l’auteur de La République du catch, parle ainsi de son travail : “Quand je sens que je suis dans un système, je ne peux pas l’appliquer plus d’un certain temps sans que cela ne devienne nocif. Je dois passer à autre chose, ça devient physique.”
On connaît la chanson. Progressivement, les habitudes deviennent des ficelles, les ficelles des routines, les routines des systèmes, les systèmes des prisons. On cherchait sa place. On l’a trouvé. On y demeure. Tout est en ordre, et on en crève. “Je pense que l’énorme danger de l’institution théâtrale, c’est l’ordre, alors que la question principale de l’artiste, c’est le désordre”, dit Stanislas Nordey. En même temps, partir est-il en soi une réponse ? “Si tu ne réinventes pas le cadre, il dégénère”, poursuit Nordey. Réinventer le cadre, ce n’est pas nécessairement en sortir. Les départs peuvent être des fuites en avant, une façon de déserter devant les difficultés. Celui qui part tout le temps ne construit jamais rien.
Rester/partir ? La seule façon de trancher la question, c’est évidemment de partir. “Partir, c’était une décision spectaculaire qu’on pouvait prendre une fois pour toutes, tandis que rester, il fallait se le confirmer tous les jours, c’était minant”, se souvient Lindon. Et en même temps, est-ce vraiment la question ? On peut être prisonnier d‘un système de fuite, figé dans l’impossibilité de rester. On peut demeurer dans des cadres stables et être en perpétuel mouvement. Par exemple, le groupe Django Django est l’entité dans laquelle les musiciens déploient une musique qui se réinvente toujours. “Nous aimons trop de musiques différentes pour nous arrêter sur un style, et c’est ce qui nous sauve à l’arrivée. Notre appétit est si énorme que chacun ajoute ses propres trouvailles, piochées dans la banque de données infinie que constitue notre mémoire musicale.” Partir, rester, on s’en fout, à condition de ne jamais abandonner ce que l’on cherche pour ce que l’on trouve.
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