Mohammed Islam, 17 ans, a réussi à persuader son entourage et les médias américains qu’il avait gagné plusieurs dizaines de millions de dollars en boursicotant. Une histoire qui s’est révélée être un mensonge bien calculé.
Soixante-douze millions de dollars. C’est la somme que selon de nombreux médias américains le lycéen Mohammed Islam avait gagnée grâce à ses investissements en bourse. Le jeune homme avait même confié s’être acheté un appartement grandiose, et une BMW.
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Lors d’une interview avec une journaliste du New York Mag dans un luxueux restaurant, il s’en tirait avec une note de 400 dollars, après avoir commandé du caviar et du jus de pomme. A cette même journaliste, il aurait même avoué ne pas savoir s’il avait gagné précisément 72 millions, mais affirmait que ses revenus atteignaient les 8 chiffres. Après s’être attiré les honneurs de tous les médias – Business Insider le classait parmi les vingt ados traders les plus prometteurs fin 2013 – presse écrite comme télévision, on apprenait le 15 décembre que toute cette merveilleuse histoire n’était autre qu’une “pure fiction”, totalement inventée par le jeune lycéen et son ami Damir Tulemaganbetov.
Du petit bobard à l’info virale
Zéro. C’est la somme exacte et réelle que Mohammed Islam a gagnée. D’ailleurs, il n’a jamais investi en bourse, révèle-t-il au New York Observer dans une interview. Toute cette histoire est partie d’une simple rumeur au lycée, explique le journal :
“Un petit bobard qui est devenu un mensonge qui est devenu une rumeur qui est devenue la nouvelle histoire favorite des médias.”
Tout semble être parti du fait que Mohammed aimait jouer les traders dans un club d’investissement du lycée. Mais tous ces investissements étaient des simulations, même si le jeune garçon s’avérait en effet très doué : le pourcentage de gains de ses simulations “était extrêmement élevé si l’on se base sur les données de Standard & Poor’s.”
Sans jamais vraiment sortir le chiffre précis de 72 millions de dollars, il ne l’a pas non plus démenti. Lui et son ami Damir, également mêlé à son petit business, ont même joué le jeu à fond, enchaînant les déclarations sur leur passion pour la bourse et l’investissement. A la journaliste du New York Mag, Mohammed confiait :
“Qu’est-ce qui fait tourner le monde ? L’argent. Si l’argent ne circule pas, si les entreprises ne fonctionnent pas, il n’y a pas d’innovation, pas de produits, pas d’investissements, pas de croissance, pas de travail.”
Les deux jeunes ont finalement décidé d’avouer leur mensonge. Ils se sont confondus en excuses, notamment auprès de leurs parents, ceux de Mohammed ayant apparemment très mal pris cette petite blague :
“Je suis réellement désolé de la tromperie et de la peine que j’ai pu causer. Je souhaite m’excuser particulièrement auprès de mes parents. A cause de ce que j’ai fait, je ne pourrai jamais plus regagner leur confiance.”
En cause, les journalistes
Le New York Observer ne nie pas la responsabilité de Mohammed et de Damir, mais leur reconnaît des excuses :
“Ce ne sont pas des enfants. Mais ce ne sont pas non plus des adultes. D’ailleurs, quand il parlait, M. Islam tremblait littéralement.”
Mais la véritable responsabilité, selon le magazine, revient aux journalistes qui ont fait tourner cette info devenue virale. Le New York Mag n’a d’ailleurs pas effacé son papier d’entretien avec les deux jeunes garçons. Il a en revanche modifié le titre, ne laissant plus apparaître le chiffre précis de 72 millions de dollars. A la fin de l’article, une note a été ajoutée. Elle explique que “Mohammed Islam a nié avoir gagné 72 millions de dollars en bourse”. Mais elle maintient que le jeune homme leur a déclaré qu’il avait tiré “un revenu à huit chiffres” de ses investissements, sans préciser que tout cela n’était qu’un mensonge.
Cette histoire autorise les lecteurs à légitimement “remettre en cause la manière dont les Américains dénichent leurs informations”, dénonce le New York Observer. D’autant plus que cette affaire intervient un mois à peine après la publication d’un long papier de Rolling Stone sur les viols sur les campus, qui s’est également avéré s’alimenter d’un faux témoignage. Un témoignage sur lequel nombre de médias à travers le monde s’était d’ailleurs appuyés pour leurs articles… Y compris nous. Difficile de ne pas tomber dans ce piège, quand des médias jugés sérieux et dignes de confiance font eux-mêmes des erreurs de base.
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