Les récentes polémiques autour du « burkini » ont à nouveau poussé certains politiques à suggérer de modifier la Constitution française. Or dans l’histoire de la Ve République, ces propositions qui surfent sur les faits d’actualité n’ont jamais abouti.
« Eh bien, on change la Constitution ». La solution semble évidente, presque facile. Invité de la matinale de RTL ce lundi 29 août, Nicolas Sarkozy, qui a annoncé sa candidature à la primaire des Républicains en novembre prochain, a expliqué sa position sur les récentes polémiques autour du burkini à la plage. Alors que le Conseil d’Etat a récemment invalidé une interdiction de cette tenue qui couvre les cheveux, les bras et les jambes, certains élus expriment leur envie de légiférer pour la bannir des plages françaises.
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Or, comme l’a expliqué Le Monde, il serait compliqué de voter une loi contre le burkini. Les arguments du Conseil d’Etat faisant référence à la Constitution (la plus haute juridiction administrative parle d’atteinte à des « libertés fondamentales »), une loi qui irait à l’encontre de son avis serait également probablement anticonstitutionnelle. C’est là qu’entre en action la solution clé-en-main de l’ancien président : il suffirait de « changer la Constitution ». « On l’a changé une petite trentaine de fois, ce n’est pas gênant », balaie-t-il.
Dans les faits, la Constitution française a été modifiée 24 fois sous la Ve République (qui date de 1958). La dernière révision date de 2008 et a été initiée sous Nicolas Sarkozy pour « moderniser les institutions ». Ce type de modification est en fait très compliqué à mettre en œuvre : en plus de la portée symbolique d’une révision, il faut techniquement que celle-ci soit validée par référendum ou à la majorité des 3/5 au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Ce parcours du combattant n’a pas empêché de nombreux hommes et femmes politiques de proposer, au fil de leurs interventions médiatiques, de réviser la norme la plus élevée en France. Voici quelques-uns des exemples les plus marquants de ces dernières années.
1) Quand François Hollande voulait introduire l’état d’urgence dans la Constitution
Trois jours après les attentats du 13 novembre à Paris, François Hollande annonce son projet d’inscription de l’Etat d’urgence dans l’article 36 de la Constitution. Il présente la proposition en Conseil des ministres le 23 décembre, qui contient également la question de l’extension de la déchéance de nationalité aux binationaux.
Il aura fallu des mois de débats houleux pour qu’il affirme à Libération le 30 mars 2016 qu’il avait « décidé […] de clore le débat constitutionnel », profitant des oppositions à l’Assemblée nationale pour enterrer une idée qu’il avait pourtant au départ portée.
2) Quand Eric Ciotti voulait limiter l’aide sociale aux étrangers
« Il faut limiter les capacités d’attractivité de notre pays au plan social (…) Il n’est pas logique que des étrangers aient les mêmes prestations sociales que les nationaux », avait affirmé en août 2014 le député LR Eric Ciotti, qui souhaitait ainsi modifier la Constitution afin que le montant des allocations sociales ne soit plus le même pour Français et immigrés. Cette mesure, également prônée par le Front national, est encore à ce jour inconstitutionnelle.
3) Quand Bruno Le Maire veut que la « prison préventive » devienne « la règle »
Une « justice d’exception » pour endiguer le terrorisme en France. Voilà ce que le député LR Bruno Le Maire, candidat à la primaire de droite, propose dans une brochure de campagne, comme l’a relevé l’AFP le 16 août dernier. Sa proposition : que la « prison préventive » devienne « la règle« . « Pour prévenir des actes exceptionnels, il faut une justice d’exception », assène-t-il. Et de préciser que cette « justice d’exception (…) demande une modification de la Constitution : et alors ? ». Bah oui alors, et alors ?
4) Quand le PS souhaitait donner le droit de vote des étrangers aux élections locales
L’engagement numéro 50 (sur les 60 propositions de sa campagne de 2012) de François Hollande n’a pas fait long feu. Candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2012, il promettait en effet accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales et européennes. Si certains insistaient sur le fait que le président ne disposerait pas des 3/5 des voix à l’Assemblée, d’autres, comme Manuel Valls semblaient opposés sur le fond à cette mesure. Il affirmait ainsi, d’après le Point cité par l’Express:
« C’est un thème qui nous a fait perdre 2 points entre les deux tours de la présidentielle, en donnant à des électeurs du FN une raison de revoter pour Sarkozy »
5) Quand le gouvernent voulait supprimer les départements
Pendant neuf mois, le gouvernement de Manuel Valls a tergiversé. Dans le cadre de sa réforme territoriale (qui a finalement vu la France passer de 22 à 13 régions), François Hollande avait prévu en 2014 que certains départements disparaissent. Or, comme l’avait souligné l’élu PS Jean-Jacques Urvoas (aujourd’hui ministre de la Justice) il fallait pour cela passer par une révision de la Constitution, dont l’article 72 dispose que « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions,[…]. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa ». A ce jour, la France compte encore 101 départements.
6) Quand Eric Ciotti (toujours le même) voulait inscrire « laïcité » dans la devise de la République ainsi que la « tradition chrétienne » de la France
Le 19 mai 2016, le président président du conseil départemental des Alpes-Maritimes est revenu à la charge avec une nouvelle proposition de révision constitutionnelle. Cette fois-ci, il souhaite à la fois (d’après son site officiel) ajouter le mot « laïcité » à la devise de la République, ainsi que « modifier l’article 1er de la Constitution pour y inscrire le fait que, si la France est une République laïque, elle est « de tradition chrétienne » ». Et de justifier ainsi :
« Concrètement, cette proposition de loi doit nous permettre de combattre les comportements ostentatoires tout en continuant à célébrer Noël et à installer des crèches dans nos mairies et sur nos places. »
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