Arte vient de lancer 60 secondes, la première websérie diffusée exclusivement sur Facebook – concept porteur ou coup de buzz ?
Un canapé, un rideau noir, un ordinateur et une webcam. Pas de « moteur ! » mais une actrice qui se remaquille toute seule et une réalisatrice assise sur un pouf. La logistique paraît minimale, mais la pression est là : aujourd’hui il faut enregistrer au moins huit épisodes – huit fois 60 secondes réussies – d’une seule traite.
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Depuis le 18 avril, Fantille (incarnée par Karina Testa) s’impose une « cyberthérapie contraignante » sur Facebook. Cette Parisienne de 27 ans s’ennuie dans son boulot et traverse un désert sexuel, « ce qui arrive à des gens très bien ! » précise la réalisatrice Hélène Lombard. Sa webcam se lance chaque jour à 19 heures et enregistre ses confidences pendant une minute. La vidéo est ensuite postée sur sa page Facebook.
Le quotidien de Fantille pendant 63 jours
En produisant la première webfiction diffusée exclusivement sur Facebook, Arte a fait le choix d’un instantané de vie. Que Fantille ait envie de raconter son ratage amoureux de la veille, de faire du yoga, de regarder un porno, ou de ne rien faire, les internautes pourront s’immiscer dans son quotidien pendant 63 jours.
» Nous jouons avec le côté aléatoire de la caméra qui se déclenche seule, en flattant la tendance ‘voyeur’ des internautes, explique Joël Ronez, responsable du pôle web d’Arte. La fantaisie que nous n’avons pas dans le décor ou le montage, nous l’avons dans le personnage ou les surprises qui donneront envie de revenir. »
Attiser la curiosité des internautes, certes… Mais pourquoi choisir le support Facebook ? « Dans la masse du web, ce réseau social propose des contenus ciblés, qui correspondent aux goûts des utilisateurs » – qui activent le bouche à oreille virtuel.
« Sur YouTube, on est invisible. Facebook offre une vraie mécanique virale. »
Le réseau social pourrait-il faire peur au géant du streaming et devenir le nouveau canal de diffusion vidéo ? Dès le premier épisode, la série comptait déjà 4 000 fans. « Nous sommes les premiers sur ce créneau et nous créons de la rareté, car les vidéos ne sont pas disponibles partout. » Objectif : atteindre au moins 100 000 fans.
Si 60 secondes est plus simple à produire et dix fois moins coûteux (110 000 euros) qu’une série télé, d’autres exigences s’imposent, comme une écriture parfaitement adaptée au support. A nouveau concept, nouvelle plume : Hélène Lombard ou Ioudgine, connue pour ses blogs L’histoire de votre vie ferait un bon scénario et Bouillon de luxure [sur les Inrocks.com, NDLR], passe ici à la réalisation pour la première fois. Avec sa culture geek et son côté faussement cynique, elle était la candidate idéale.
» Dans le ton, la série ressemble à mon blog, explique-t-elle. C’est du quotidien basique un peu teinté lose ».
Associer Arte à « un programme urbain et humoristique »
Une sorte de journal intime en ligne… Un virage à 180 degrés par rapport aux documentaires qui ont fait la réputation d’Arte. Pour le coproducteur Bruno Nahon, « l’objectif est aussi de rajeunir la marque Arte. Nous souhaitons interpeller les gens en associant la marque Arte à un programme urbain, féminin, humoristique. Même si ce n’est pas Caméra café. »
Pour l’actrice Karine Testa, habituée aux longs métrages (Il était une fois dans l’oued, par exemple), 60 secondes est aussi une grande nouveauté :
« Ce format change énormément de ce que j’ai pu faire. Il faut être efficace en une minute, et c’est un défi de s’exposer comme ça sur internet. Je ne peux pas me cacher derrière un décor ou un angle de prise de vue. Là, il n’y a rien à part moi ! »
Si Arte innove avec le support Facebook, ce n’est pas la première fois que la chaîne s’essaie au net ou aux réseaux sociaux. Comme le rappelle Joël Ronez, « nous avons déjà montré avec des webdocumentaires comme Gaza/Sderot (en 2008) ou Prison Valley (en 2010) qu’il y avait un intérêt économique et narratif à raconter des histoires sur internet avec une logistique audiovisuelle réinventée. » En 2008 encore, Arte produisait aussi sur MySpace Twenty Show, qui rapportait les confidences de jeunes accros au net.
Alors, Fantille parviendra-t-elle à relever son défi en 63 jours : démissionner avant l’été et coucher le premier soir ? Le buzz est bien parti en tout cas : la série intrigue et un internaute s’attache même chaque jour à faire une critique de chaque épisode… en moins de 120 signes.
Béatrice Catanese
www.facebook.com/60secondes jusqu’au 21 juin
Blogs de l’auteur-réalisatrice : Bouillon de luxure, Ioudgine.com
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