A travers une série de 56 portraits, un jeune entrepreneur souhaite combattre les préjugés dont sont victimes les hommes noirs et ainsi redonner confiance aux prochaines générations.
« Je peux être assis dans un train avec un siège libre à côté de moi, et vous voyez des gens qui cherchent à savoir s’il est acceptable de s’asseoir à cet endroit. Je dois agir de manière à leur montrer que je ne suis pas dangereux. » Cephas Williams est un entrepreneur anglais de 27 ans. Interrogé par la BBC, il se dit révolté par la stigmatisation des hommes noirs dans nos sociétés contemporaines et occidentales. A travers une campagne photographique mettant en scène 56 hommes noirs – d’horizons socio-économiques différents – portant un sweat à capuche, il tente de faire bouger les choses.
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Des stéréotypes véhiculés par les médias
Partant du constat que les médias ne relatent que très rarement des histoires positives liées à des hommes noirs, Cephas explique à la BBC que sa campagne « rappelle que, pour chaque homme noir représenté comme quelque chose de négatif, il y en a 56 autres qui ne le sont pas. » De cette manière, il souhaite montrer aux jeunes hommes noirs qu’ils ne sont pas destinés à devenir des criminels : « Tout le monde parle de crime au couteau, de culture de gang et de violence, mais ce n’est pas représentatif de la majorité d’entre nous. »
L’un des objectifs de cette campagne est également de dédiaboliser l’image du sweat à capuche perçu comme une menace par de nombreuses personnes. Mais selon l’artiste, le problème persiste au-delà du style vestimentaire car, même s’il porte un costume, il a l’impression que les gens se méfient de lui : « Ce n’est pas agréable de savoir que j’intimide les gens. Cela me met mal à l’aise. Je suis une personne extrêmement gentille et quand je sais que les gens autour de moi se sentent mal à l’aise, je m’adapte. » Avec cette campagne, il espère inciter les prochaines générations d’hommes noirs à se sentir bien dans leur peau, qu’importe leur manière de s’exprimer ou de s’habiller.
Le hoodie, l’évolution d’une signification
Si le sweat à capuche, ou « hoodie » en anglais, fait aujourd’hui partie des pièces basiques présentes dans nos dressings, cela n’a pas toujours été le cas. Apparu dans les années 1930 aux Etats-Unis, il est au départ utilisé par les ouvriers des entrepôts frigorifiques de New York. Il faut attendre les années 1950 pour que le marché se développe, d’abord dans les milieux sportifs – chez les boxeurs notamment –, puis chez les étudiants. Mais c’est dans les années 1980, avec le culte du corps sportif, que le port du sweatshirt atteint son apogée. Plus tard, il fera même son apparition dans le luxe et le prêt-à-porter, utilisé de nombreuses fois par les créateurs de mode en quête de nouveautés.
Parallèlement, dans les années 1970, le « hoodie » devient un élément à part entière de la culture hip-hop qui se développe alors à New York. Bon marché, pratique et agréable à porter, le sweat à capuche est porté par les rappeurs, les graffeurs mais également les skateurs, très présents sur la côte ouest des Etats-Unis. Très vite, il devient un élément d’identification collective. Mais cela a également pour effet de stigmatiser ceux qui le portent. Au début des années 2000, du fait du traitement des tabloïds notamment, le « hoodie » devient le symbole de la criminalité au Royaume-Uni, jusqu’à être interdit dans certains centres commerciaux et établissements scolaires.
Le sweat à capuche comme symbole de revendications
Le symbole du sweat à capuche prend une dimension d’autant plus politique quelques années plus tard, avec l’affaire Trayvon Martin. Le 26 février 2012, un jeune homme de 17 ans est assassiné par un de ses voisins dans la ville de Sanford, en Floride. Son crime ? Être noir et porter un sweat à capuche. Alors qu’il rentre chez sa petite amie après avoir acheté des bonbons, Trayvon est repéré par George Zimmerman, 28 ans, qui effectuait des rondes de surveillance dans le quartier. Ce dernier appelle la police et déclare : « On dirait qu’il est noir, et il porte un sweat à capuche sombre, il a un truc dans les mains, je ne sais pas trop ce que c’est. Il me regarde. » Un officier lui demande alors de rester à l’écart et d’attendre l’arrivée de la police. Il n’en tiendra pas compte. Le jeune garçon est abattu par une balle dans l’abdomen. Plaidant la légitime défense, le meurtrier, protégé par la loi de 2005, ne sera pas inculpé.
A la suite de cet événement tragique, de nombreuses manifestations ont eu lieu aux Etats-Unis avec, pour signe de ralliement, le sweat à capuche. Quelques semaines plus tard, une marche intitulée « One Million hoodie March » est organisée à New York. Le « hoodie » devient le symbole de la lutte contre l’injustice, les violences policières, les crimes racistes et des inégalités raciales. Pour David Lammy, un député travailliste photographié par Cephas, « Il est encore trop facile pour les gens de tomber dans des impulsions paresseuses au sujet de ce que signifie être un homme noir en sweat à capuche ». Tout comme l’artiste, il déclare : « Je veux vivre dans une société où je peux enfiler un pantalon de jogging et un sweat à capuche et être perçu comme ce que je suis : pas un voyou ou une brute, mais juste un gars qui va au gymnase après une longue journée de travail. »
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