L’ancien préfet Paul Girot de Langlade, qui avait balancé lors d’un contrôle de sécurité compliqué à Orly « On se croirait en Afrique ici ! », était jugé mardi pour injure raciale au tribunal de Créteil.
Dans une ambiance tendue, l’ex préfet Paul Girot de Langlade comparaissait ce mardi devant le tribunal correctionnel de Créteil (Val de Marne) pour injures raciales. En cause : des propos tenus le matin du 31 juillet 2009 à l’aéroport d’Orly, alors que le haut fonctionnaire et son épouse rentrent d’un voyage en Guadeloupe. Agé de 62 ans, Paul Girot de Langlade est alors préfet chargé des Etats généraux de l’Outre mer pour la Réunion.
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Accompagné d’une hôtesse au sol d’Air France, le couple se hâte pour attraper sa correspondance vers Clermont-Ferrand, qui décolle 45 minutes plus tard. Ils doivent d’abord franchir le portique géré par des agents de la société Securitas. Mais le préfet omet d’enlever l’appareil photo pendu à sa ceinture, et carillonne.
S’ensuit une scène confuse, que les débats au procès n’ont pas permis de démêler, malgré la diffusion d’un film de vidéosurveillance. Un préfet peu coopératif qui s’est levé du pied gauche, une palpation qui s’éternise. Paul Girot de Langlade finit par lâcher ces mots : « On se croirait en Afrique ici! ». Trois des agents, dont deux femmes noires, portent plainte.
« Je voulais dire « c’est le bordel »»
« Je savais qu’on était très pressés, je leur disais de se dépêcher. J’ai l’habitude de donner des ordres. Là je me sentais comme un objet entre leurs mains », se justifie Paul Girot de Langlade. Il affirme avoir fustigé « la mauvaise organisation, pas les personnes », et jure qu’il aurait « dit la même chose s’il n’y avait eu que des personnes blanches ».
Alors pourquoi l’Afrique ? « L’agitation m’a fait penser à l’Afrique, je voulais dire « c’est le bordel » », explique t-il, convoquant de grands hommes comme Senghor, ou Malraux. Il ne cesse de couper la parole tout au long de l’audience. « Je sais bien que vous avez été préfet, mais laissez le président présider« , le tance Philippe Michel, qui mène les débats.
Les agents, qui expliquent avoir « suivi à la lettre la procédure », prêtent au couple deux autres propos. « De toutes façons il n’y a que des gens de couleur ici », aurait dit Paul Girot de Langlade à la suite de la première phrase incriminée, tandis que son épouse susurrait plus tard à l’un des rares agents blancs du portique : « Mais pourquoi n’y a t-il que les noirs qui montent au créneau ? ». Paul Girot de Langlade aurait également fait valoir sa qualité de préfet.
Pour des propos visant les gens du voyages tenus en 2002, l’ancien préfet avait déjà été poursuivi à deux reprises par le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples). Il est relaxé dans les deux cas. « Pour des raisons de procédure et non pas de fond », souligne l’avocat de l’association présent à l’audience.
Un seul témoin à l’audience
Unique témoin présent au tribunal : l’hôtesse accompagnatrice. Cheveux blonds parfaits, étole orange du plus bel effet, Marie-Pierre explique d’une voix claire qu’elle s’occupe de l’accueil des VIP pour Air France : ministres, diplomates, et stars en pagaille. Elle se dit « un peu choquée par l’absence de signes de politesse de la part des agents ». Mais reconnaît que le préfet « fatigué par son long voyage » n’est pas non plus des plus courtois. Elle évoque une « maladresse », mais n’a « pas entendu de propos racistes ».
« Avec tout ça, vous avez réussi à les mettre dans l’avion ? », questionne, taquin, le procureur. « Oui, et sans retard ». Ouf. « Une vraie pro », commente un homme dans le public.
« Une odieuse police de l’inconscient »
Entre les avocats des plaignants et des associations (le Mrap, la Licra et SOS Racisme) et Maître Collard qui défend l’ancien préfet, le ton monte à plusieurs reprises. « Je ne voudrais pas avoir à juger des propos tenus pendant l’audience », tempère le procureur.
Maitre Collard dénonce une « odieuse police de l’inconscient », qui « prête des intentions à M. Girot qu’il n’avait pas ». « Il y a de vrais combats contre le racisme, il ne faut pas perdre nos forces dans des combats fabriqués de toutes pièces » (voir la vidéo).
Une allusion au rôle joué par Brice Hortefeux dans l’affaire. Le ministre de l’intérieur avait jugé les propos de Paul Girot de Langlade « indignes » de la République, et le met à la retraite d’office (voir la vidéo).
Las, quelques jours plus tard, le ministre de l’intérieur prononce des propos similaires au sujet d’un jeune militant UMP d’origine maghrébine: « Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ». Il est condamné le 4 juin à une amende de 750 euros et a fait appel.
« Le prévenu n’est pas M. Bidochon »
« Le but n’est pas de déterminer si Mr Langlade est raciste ou non : le droit ne sanctionne pas d’opinion, aussi abjecte soit elle », tranche le procureur. Mais les propos de Paul Girot de Langlade ont été « outrageants », « offensants », estime-t-il en requérant 5 000 euros d’amende.
« Le prévenu n’est pas M. Bidochon. La réserve est la moindre des choses que l’on peut attendre d’un haut fonctionnaire représentant l’Etat. »
Alors que l’audience s’achève, Paul Girot de Langlade finit par s’excuser auprès des plaignants. « J’ai compris que je les avais blessés, je n’aurais pas dû peut être, je le regrette amèrement ici ». Des excuses qui lui avait été réclamées à cor et à cri tout au long du procès, et que l’avocat des plaignants, Maître Kominski juge être « des excuses de connivence » (voir la vidéo).
Le jugement a été mis en délibéré au vendredi 2 juillet.
Mise à jour du vendredi 2 juillet : Paul Girot de Langlade a été condamné vendredi à 1 500 euros d’amende pour injures racistes. Ses propos « procèdent d’un amalgame selon lequel toutes les personnes du continent africain partagent le même défaut de l’incompétence et de la désorganisation », a expliqué le juge Philippe Michel. Ni le préfet, ni son avocat, n’étaient présents lors de l’annonce du jugement.
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