Pour les ministres, c’est l’heure de la rentrée gouvernementale et du rendu des copies au Président-professeur Hollande qui leur avait demandé de plancher sur la France de 2025. Entre poncifs et bonnes intentions, retour sur les copies ministérielles.
L’opposition s’est fait plaisir ce matin en raillant le séminaire de rentrée du gouvernement. Roger Karoutchi, vice-président de l’UMP, s’est fendu d’un communiqué pour remonter les bretelles des ministres : « Le gouvernement a décidé de communiquer sur des résultats positifs en… 2025 ! Ainsi donc, dans ce nouveau monde, mélange de Candide et d’Orwell, cette Nouvelle France de 2025 sera marquée par : zéro chômeur, tout le monde aura un emploi ; zéro mal logé, tout le monde aura un logement décent et peu cher ; zéro insécurité, grâce à une police 3.0 (sic !) ; zéro problème de prison ou de justice ; zéro problème de niveau de vie, de pouvoir d’achat… Bref, la France sera belle, sereine, unie, confiante, moderne… Demain, on rase gratis… » L’ancienne ministre UMP Nadine Morano a critiqué des « travaux de vacances bâclés ». « On se demande si ça va pas être un concours de la copie de Madame Soleil à Nostradamus », a-t-elle dit sur France 2. Ou encore François Bayrou pour le Modem, qui ce lundi matin sur France Inter a estimé que « l’on rêve éveillé ». Ce séminaire, a-t-il jugé, « c’est fait pour ceux qui aiment rêver, sans avoir d’ancrage dans la réalité ».
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Il est vrai qu’en lisant quelques passages de ces notes ministérielles publiées par le site du Point, on a du mal à ne pas avoir envie d’avancer le temps pour être déjà en 2025 ! A cette date-là, fini le pessimisme ! La France aura confiance en elle. Plus d’incertitudes du lendemain ni d’inquiétudes. Fini le chômage, l’insécurité et l’insalubrité. La France vivra bien, mieux même, avec plus de confort et d’espérance. Vivement 2025 !
Le monde des Bisounours avec Valls
Avec le ministre de l’Intérieur, on a le droit à quelques perles : « Aujourd’hui, se dessine le visage de l’Etat de demain. » On mettra ce poncif sur le compte de son été très chargé médiatiquement et son peu de temps pour se poser. La suite : « Un Etat qui doit être garant de l’intérêt général et de solidarités entre les territoires. » Super ! Pour Manuel Valls, « l’enjeu des dix prochaines années est aussi d’intégrer l’innovation aux stratégies de sécurité ». D’où la nécessité, selon lui, de « réaliser le saut technologique » qui s’impose à la police et la gendarmerie pour avoir « une police et une gendarmerie 2.0 – et demain 3.0. »
Dans sa note, le ministre de l’Intérieur donne surtout quelques pistes de travail pour maintenir la présence de l’Etat sur le territoire : la création de « maisons de l’Etat » et le regroupement de services avec les collectivités territoriales en remplacement de certaines sous-préfectures, « la clarification des compétences entre les différents échelons territoriaux » – en somme qui fait quoi dans le millefeuille administratif -, la « dématérialisation et la gestion en ligne » des services de l’Etat. Par contre, aucune solution n’est détaillée pour que la France demeure « une terre d’accueil, une terre d’immigration ». Manuel Valls souhaite un « Islam de France », une « laïcité réaffirmée », « une immigration organisée et régulée », sans détailler de programme pour y parvenir. « La France est une terre d’accueil et une terre d’intégration, ce parcours qui fait que l’on trouve sa place dans la société et que la société aussi vous fait une place ». Euh ? Définitivement, vivement 2025 !
Une vie apaisée avec Taubira
Au moment où la France enregistre mois après mois un record de détenus dans des prisons surpeuplées, Christiane Taubira n’a aucune inquiétude. En 2025, ce sera pépère. « Les établissements pénitentiaires ne sont plus surpeuplés et le temps de détention utile que nous appelions de nos vœux est devenu une réalité. (…) Les derniers établissements vétustes qui étaient encore en service et les règles pénitentiaires européennes sont maintenant intégralement en vigueur. » C’est super chouette la France de 2025. Il y fait bon vivre. La note de la ministre de la Justice ne dit pas comment tout ça a été financé mais arrêtons de gâcher cette journée ensoleillée, l’important c’est que tout est doux et beau. « Le développement des peines alternatives à l’incarcération a fait repasser la population carcérale sous le seuil des 60 000 détenus en 2025. Corrélativement, la baisse de la part pénitentiaire dans le budget justice a permis à la Justice de trouver les ressources de sa mutation. » La garde des Sceaux indique dans sa note qu’en 2025 sera prévu un tribunal de grande instance par département « pour assurer la lisibilité de l’organisation judiciaire et l’harmonisation des pratiques ». Avec quel financement en cette période de disette ? D’autant plus qu’il est écrit noir sur blanc qu’afin de « faciliter l’accès à la Justice, chaque site judiciaire est conservé et permet au justiciable d’avoir accès à tous les services du département ». En 2025, Christiane Taubira est convaincue que « les citoyens auront accès à une justice plus efficace, plus protectrice et plus proche d’eux ».
Vie apaisée sauf entre Valls et Taubira
Malgré des photos de complicité suraffichée entre Manuel Valls et Christiane Taubira en ce séminaire de rentrée pour effacer ce qui restera comme le couac public de l’été au sujet de la réforme pénale, sur le fond, manifestement, rien n’a changé. Il ne reste qu’à lire la note de Christiane Taubira pour voir qu’elle ne compte pas céder d’un iota sur ce gros chantier de la rentrée. Dans sa copie rendue au Président, la ministre de la Justice glisse un passage sur cette dite réforme pénale. Manifestement en 2025, elle aura, selon elle, été faite.Premier tacle à son collègue ministre de l’Intérieur. « La réforme pénale intervenue il y a onze ans (2013 ou 2014 – ndlr) porte ses fruits. » Et deuxième tacle, elle semble qu’elle sera faite selon sa version. La ministre n’en démord pas sur les peines de probations, un des points de litige entre elle et Manuel Valls. « La peine de probation est maintenant intégrée par les juridictions de jugement et s’est substituée à toutes les autres peines alternatives à l’incarcération et restrictives de liberté, dans le cadre de l’exécution des peines. »
Magic Jackpot avec Moscovici
« La France de 2025 aura pleinement recouvré sa souveraineté budgétaire, c’est-à-dire l’équilibre structurel de ses comptes », écrit Pierre Moscovici, ministre de l’Economie. Top ! « Les comptes sociaux pourront être ramenés à l’équilibre », poursuit-il. Top, top. « Le plein emploi, aujourd’hui inimaginable, est un objectif réaliste », ajoute-t-il encore. Top, top, top. Votre petite sœur est au chômage ? Vous même galérez ? Attendez 2025. le ministre de l’Economie s’interroge : « pourquoi pas la France si nous savons faire des choix dynamiques pour notre économie, donnant la priorité à l’emploi des jeunes et des seniors ». Le ministre ne semble pas excessivement inquiet. Car « nous vivons les prodromes d’une nouvelle phase de la révolution industrielle, dont le moteur principale est l’émergence de la société numérique ». Formulation la plus littéraire… pour une belle perle !
La vraie idée de cette note réside dans la suggestion du ministre de faire de la France de 2025 « l’un des fournisseurs des classes moyennes émergées en 2025 ». En somme, de ne surtout pas reproduire le modèle allemand hyper spécialisé mais de maintenir une diversité de l’offre. Une façon de rompre avec le discours ambiant qui fait de l’Allemagne le modèle à tout épreuve. Au passage, le ministre de l’Economie en profite pour renvoyer dans ses cordes son collègue de Bercy, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif. « Prenons garde à ne pas faire l’erreur stratégique de copier le modèle allemand actuel et de chercher à grand renfort d’argent public à reconstruire une industrie perdue »
Pierre Moscovici conclut : « Tracer une perspective jusqu’en 2025 n’a de sens que si nous parvenons à faire comprendre aux Français que les décisions difficiles que nous prenons, en ce début de cette mandature, contribueront à atteindre la cible ainsi définie ». Patatras !
Incertitude et stress limités avec Duflot
En 2025, selon la ministre du Logement Cécile Duflot, grâce à la politique menée en ce sens, « chacun dispose d’un toit et d’un environnement de qualité ». Une promesse qui n’est pas sans rappeler l’objectif « Zéro SDF » annoncé par le candidat Lionel Jospin avant la présidentielle de 2007 et qui s’était soldé par un échec. Comment la ministre y parvient-elle ? « Grâce aux mesures mises en place dans le cadre des lois adoptées entre 2012 et 2014, les logements vacants seront devenus très rares et les terrains publics délaissés inexistants ». De plus « entre les six millions de logements construits jusqu’en 2025, pour l’essentiel en densification du bâti existant, dont près de deux millions de logements sociaux en partie sur les terrains publics et les deux millions de logements vacances en 2013 remis progressivement sur le marché ». Attention à ce qu’un grain de sable n’enraye pas cette démonstration. « L’accès à ces logements pour chacun ne sera plus un facteur de stress ou d’incertitude », poursuit Cécile Duflot, « mais une étape plaisante de la vie » d’autant plus que la ministre insiste bien sur « l’encadrement des loyers ». On la croit sur le caractère plaisant d’accéder à un logement mais encore faut-il remplir l’objectif… Elle, insiste : « insalubrité et indécence n’auront plus leur place parmi les qualificatifs attribués au logement ». Que demander de plus ? En 2025, « la part du logement dans le budget des ménages aura reculé ». Voilà…
Cocorico avec Montebourg
« La France a su remettre l’industrie au cœur de son redressement et retrouver sa place dans le concert des grandes nations », indique Arnaud Montebourg pour entamer sa note. Cocorico ! C’est à se demander dans quel domaine industriel on est moins bon puisque désormais, l’industrie atteindrait 20% du PIB. Le vocabulaire utilisé est dithyrambique « leaders », « atout », « les plus compétitives », etc. Exemple du savoir-faire français dès 2017, avec huit ans d’avance sur la France de 2025 : un véhicule écologique ne consommant que deux litres pour 100 km. « La France a fondé son redressement sur une stratégie d’excellence multisectorielle plutôt que sur une logique de spécialisation de son industrie ». Le ministre décerne ensuite ses satisfecit à la santé, l’agroalimentaire, etc. On est super champion dans tout.
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