Il a fallu neuf albums aux Américains Animal Collective pour, enfin, trouver la pleine lumière que leur musique passionnante et inédite méritait depuis longtemps : Avey Tare relate ces douze mois exceptionnels.
Dès la fin 2008, avant que Merriweather Post Pavilion ne sorte, des choses assez inhabituelles se sont passées autour de nous. Une hype assez conséquente s’est développée : à cette échelle, c’était pour nous assez nouveau et ça nous a fait flipper. Quand l’attente d’un album est trop grande, il y a toujours un risque d’effondrement, de déception. On avait, depuis la fin de son enregistrement, hâte qu’il soit dans le commerce, hâte de pouvoir le confronter à l’avis des gens et quand il est enfin sorti, les réactions ont été intenses, plus que jamais auparavant. Les critiques ont été extrêmement positives, dans des médias de plus en plus importants – je dois dire que ça nous a littéralement soufflés. On a atteint des publics qu’on n’aurait jamais atteints sans ça. Un exemple : j’ai reçu un e-mail de ma tante qui m’a dit adorer l’album, s’intéresser à ce que je faisais. Elle en avait entendu parler dans son journal local. Animal Collective a même été cité dans un exemplaire de National Geographic. Comme si nous étions des hommes des bois… Je ne sais pas trop quoi en penser, nous n’avons jamais réfléchi en ces termes, nous ne cherchons pas la notoriété. Notre seul objectif est de travailler le plus dur possible, pour qu’un maximum de gens entende le fruit de notre labeur. Cette année a été, sur ce point, particulièrement intéressante. Mais cette reconnaissance n’a pas été totalement soudaine pour nous : on a sorti neuf albums, on est là depuis longtemps, tout s’est finalement construit assez lentement, assez progressivement. Ça ne nous met aucune pression pour la suite : on sait que nous sommes un groupe assez clivant, on sait qu’on cherche toujours à changer nos méthodes, notre musique, on sait que tout peut se retourner.
Nous avons évidemment beaucoup tourné. C’est quelque chose qu’on a adoré dès les débuts du groupe, c’est même l’une des bases. Même si être sur la route est toujours quelque chose qu’on adore, cette idée de voyage et de découvertes permanents a fini par s’éroder un peu, devenir plus complexe à gérer, moins passionnante. J’ai pourtant trouvé cette année parfaite, sur ce point : les choses se sont déroulées de manière beaucoup plus détendues que lors des précédentes tournées. On a eu un peu plus de confort, un peu plus de temps pour nous, les groupes qui nous accompagnaient été géniaux… Mais une tournée reste une tournée : comme dans la vie, il y a des bons jours et des jours affreux, des concerts réussis et des concerts ratés. Les humeurs jouent énormément, et ça ne peut jamais être un processus sans heurts. Je me souviens notamment de concerts, aux Etats-Unis, où une infection avait fini par me rendre à moitié sourd. Forcément, pas très pratique, et certains soirs un vrai désastre. Ou d’un concert, en festival, où l’un d’entre nous avait un peu trop abusé avant de monter sur scène – on n’a jamais réussi à trouver une grande cohésion ce soir-là ! On a joué dans de petites salles, dans des grandes salles, on a parfois adoré, parfois eu du mal à nous connecter aux milliers de personnes qui nous faisaient face. A Prospect Park, à Brooklyn, ça a pas contre été exceptionnel pour nous : on a pu traîner toute la journée avec nos amis, tout était très cool, comme un grand pique-nique entre potes. Et le concert a été formidable.
Les tournées terminées, on rentre chacun chez nous. Brian vit à Washington, Noah est toujours à Lisbonne et moi à Brooklyn. On ne s’arrête généralement jamais de travailler, chacun dans notre coin –même si j’aimerais, pour le prochain album, qu’on réussisse à tous se mettre dans la même pièce. Mais là, c’est la première fois que nous décidons, d’un commun accord, de prendre un peu de temps pour nous, de nous poser, de retrouver notre propre monde, de s’y reconnecter. Et surtout de nous occuper de ceux qu’on aime ; Brian s’est d’ailleurs marié cette année. Et il l’a fait le soir même d’Halloween : sans doute une des soirées les plus incroyables de ma vie.