Le rythme des sorties ne se ralentit pas sur la Switch et si, comme ailleurs, le phénomène « Fortnite » déchaîne les passions, il ne devrait pas occulter la variété des expériences ludiques disponibles sur la console hybride. Jeux d’aventure ou de combat, trips indés planants ou puzzle games entêtants, blockbusters qui tachent, grands classiques ou joyeusetés tout public, en voilà seize qui méritent le détour.
Ys VIII : Lacrimosa of Dana
Nihon Falcom / NIS America, environ 60€{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Enfin le soleil, le sable et la mer à perte de vue. Le huitième volet de l’excellente saga japonaise Ys (du nom de la légendaire ville engloutie bretonne, oui) a tout du parfait jeu estival : un cadre maritime, donc – le bateau des héros a fait naufrage et ils se retrouvent sur une île pas si déserte que ça –, mais aussi cette manière typique des jeux de rôle japonais de marier le souffle de la grande aventure avec ce sentiment finalement pas désagréable d’accompagner une joyeuse bande de kids en colonie de vacances. Déjà disponible sur PS4, Vita et PC, Ys VIII débarque au meilleur moment sur la Switch, où il fait office de substitut crédible à Zelda pour ceux qui ont fini par en voir le bout (à condition, certes, d’être prêt pour un système de jeu plus rigide et un accent plus marqué sur les combats nerveux). Avec Octopath Traveller et, dans une moindre mesure, The Lost Child (le Pokémon meets Persona mi-fascinant mi-lourdaud du créateur d’El Shaddai) et Shining Resonance Refrain, il contribue par ailleurs à dessiner quelque chose comme un été du RPG japonais sur la console hybride de Nintendo. Dans le genre, on trouvera facilement plus impressionnant, mais rarement plus attachant.
The Lion’s Song
Mipumi Games, environ 10€
En jeu vidéo comme ailleurs, faire preuve de vrais partis pris est rarement une mauvaise idée. Ceux de The Lion’s Song, jeu d’aventure point & click (pour aller vite) du studio autrichien Mipumi Games déjà disponible sur PC et mobiles et fraîchement adapté à la Switch, sautent aux yeux : un style graphique singulier (coloration sépia, textes des dialogues et notations sonores sur l’image même), une interactivité limitée (mais d’autant plus marquante quand elle est présente) et, surtout, une époque et des personnages qui sortent de l’ordinaire vidéoludique. Car dans cette histoire en quatre épisodes qui se déroule à Vienne (pour l’essentiel) juste avant la Première Guerre mondiale, les personnages que l’ont dirige (et qui ont l’occasion de croiser Freud, Klimt ou Wittgenstein) sont notamment une compositrice, un peintre et une mathématicienne. Pour chacun d’eux, l’existence est d’abord une quête, une recherche personnelle en profondeur (dans les différentes “couches” du réel, pour reprendre un terme utilisé par l’un des héros) face aux regards des autres (qui peuvent être cruels, surtout quand vous êtes une femme confrontée à ces messieurs de l’université). Subtil et touchant, The Lion’s Song décrit en parallèle et par petites touches l’éveil de ses héros et la fin d’un monde. Ses récits croisés fonctionnent par vagues, par flux et reflux, toujours perçants, toujours tenus. C’est une petite merveille.
Yoku’s Island Express
Villa Gorilla / Team 17, environ 20€. Également disponible sur PS4, Xbox One et PC
C’est sans doute l’exercice d’hybridation le plus improbable du moment. Dans Yoku’s Island Express, le jeu d’aventure et d’action (de type “Metroidvania”, pour les initiés) se marie au flipper pour un résultat réjouissant. Avec cette transformation du mode de contrôle (dans certaines zones, entre lesquelles on navigue d’une manière plus traditionnelle), c’est le rapport à l’espace lui-même qui se trouve changé et on ne saurait dire de façon définitive si se rendre d’un point à un autre de ce monde qui émerge joliment du brouillard s’en trouve facilité ou au contraire complexifié – un peu des deux, probablement. Vous avez dit gadget ? C’est tout le contraire : avec son level design adapté, Yoku’s Island Express se bonifie sur la durée et, alors que notre petit bousier s’y enfonce toujours plus profondément, la découverte de son univers charmant est un régal de tous les instants. (Et une expérience plus à notre goût que les plongées répétées dans celui du cruel Hollow Knight, l’autre Metroidvania en vue de la Switch.)
Lumines Remastered
Enhance, environ 15€. Également disponible sur PS4, Xbox One et PC
Dans l’œuvre fantasmagorique du génial Tetsuya Mizuguchi (Rez, Child of Eden…), on pourrait presque prendre Lumines pour un jeu conventionnel : pour un clone de Tetris (dont Mizuguchi proposera d’ailleurs à l’automne une relecture VR avec Tetris Effect) de plus, avec juste un peu de musique en fond et un habillage design pour attirer le gamer moderne. Ce serait une grossière erreur : ce qui distingue ce puzzle game, c’est son beat, son tempo né du décalage entre l’action (on assemble des blocs pour former des carrés) et son effet (lesdits carrés disparaissent lorsqu’ils sont atteints par une ligne qui traverse l’écran au rythme de la musique). Cette non-immédiateté même est une radicalité. Elle ouvre un espace (mental, sensoriel…) dans lequel tout se transforme. Un espace pour penser. Un espace pour danser. Quatorze ans après la sortie de l’original sur PSP, Lumines est encore l’un des grands jeux de cette (demi-)année.
De Blob
Blue Tongue / THQ Nordic, environ 30€
Autre retour bienvenu : celui du Blob du désormais défunt studio Blue Tongue, tube de 2008 paru à l’origine sur la Wii. C’est une école de la joie, une promenade pré-Flower dans un monde qui a perdu ses couleurs. A nous, joyeux révolutionnaire cartoon, de les lui rendre. Au lieu de courir ou marcher bêtement, notre héros roule, ce qui modifie sensiblement son (et notre, du coup) rapport aux lieux : on les sillonne, on les dévale, on laisse une trace. Le grand talent de De Blob, c’est sa manière de faire appel simultanément au fond de maniaquerie du joueur (il faut tout repeindre sans rien oublier : arbres, bâtiments, personnages…) et à son goût du désordre (on barbouille, donc on souille). Au fond, bien évidemment, tout cela est dialectique. Dix ans après, nous revoilà euphorique.
Shape of the World
Hollow Tree Games / Plug In Digital, environ 15€. Également disponible sur PS4, Xbox One et PC
Le walking simulator (ou simulation de promenade), ce quasi-genre controversé dont relèvent certains des jeux les plus marquants de ces dernières années (Gone Home, What Remains of Edith Finch, Dear Esther, Firewatch…), est encore peu représenté sur la Switch. On n’en accueille qu’avec plus d’enthousiasme le très beau Shape of the World, qui nous invite à traverser un univers mystérieux (mais pas indifférent à notre présence : ici, on a un rôle à tenir) pour le regarder (et le faire) changer. Quelque part entre Proteus (en plus vaste et “dirigiste” – tout est relatif), un Flower à pied et un Shelter en moins haché, le jeu des Canadiens de Hollow Tree Games fait de l’être-là (où que ce soit) sa valeur essentielle. Ceux qui savent regarder seront récompensés. En cas de besoin, on n’exclut pas de se replier régulièrement dans son monde d’ici la fin de l’été.
Sushi Striker : The Way of Sushido
Nintendo, environ 50€. Également disponible sur 3DS
Ça ne devrait pas marcher. Loin de la lisibilité habituelle des productions Nintendo (qui sortent rarement sans que leur concept de bas et sa mise en œuvre n’ait été longuement testés), Sushi Striker est un jeu foutraque et débridé dans lequel on n’est souvent que très moyennement conscient de ce que l’on fait. Le but, ici, est d’associer des assiettes de sushis en fonctions de leur couleur de manière plus efficace que l’adversaire, mais tout va trop vite, on fait ce qu’on peut, au bord de la rupture, et pourtant, c’est enivrant. Et justement pour cette raison-là : parce qu’on a la sensation d’être emporté plutôt que de mener la barque, de surfer sur la vague plutôt que de tout maîtriser. La frénésie que fait naître en nous Sushi Striker est un don précieux. Par ailleurs, le goût de l’absurde dont témoigne son récit et sa manière de faire tenir un monde sans se soucier de sa nature aberrante sont tout à fait réjouissants.
Wolfenstein II : The New Colossus
Machine Games / Bethesda, environ 60€
Disponible depuis la fin de l’année dernière sur PS4, Xbox One et PC, Wolfenstein 2 est une nouvelle preuve que, sous certaines conditions, les blockbusters modernes peuvent tout à fait tourner sur la Switch malgré ses limites techniques. En particulier quand le portage du jeu est confiée aux Américains de Panic Button, déjà responsables des versions Switch très réussies de Doom et de Rocket League et actuellement au travail sur Warframe. L’adaptation ne se fait pas sans compromis sur les plans graphique et de l’animation mais l’essentiel est là : ce nouveau volet de l’une des séries reines du genre FPS dont le premier épisode remonte à 1992 est un régal sur la Switch aussi, à condition de ne pas craindre le gore qui tache et l’humour parfois douteux et de ne pas avoir d’indulgence particulière pour les nazis (ce qui, apparemment, n’est pas le cas de tout le monde). Et si certains jureront toujours que Wolfenstein 2 ne sera jamais meilleur que sur un grand écran, les parties sur la Switch en mode portable et avec visée gyroscopique sont un plan B extrêmement séduisant.
Captain Toad
Nintendo, environ 40€. Également disponible sur 3DS
Après Mario Kart 8, Donkey Kong Country : Tropical Freeze, Hyrule Warriors ou Bayonetta 2, le dernier jeu Wii U en date porté sur la Switch s’appelle Captain Toad. Et c’est une excellente nouvelle car ce mélange de réflexion et d’aventure était l’un des joyaux méconnus de la précédente console de Nintendo. Petit miracle d’équilibre entre sensualité (ces couleurs, ces matières…) et abstraction, Captain Toad fait de nous un petit randonneur cérébral qui cherche son chemin (et le moyen de ramasser les trésors disséminés dans chaque niveau) en “lisant”, en décryptant les lieux (leurs passages secrets, leurs mécanismes cachés…) Le monde est codé et ce code même est beau. Au cœur du petit théâtre choupi : une leçon de level design.
Pode
Henchman & Goon, environ 25€
Mis en musique par le grand Austin Wintory (Journey, Sunset, Abzu, The Banner Saga…), Pode est un autre exemple de mélange entre action et réflexion, à la fois plus féerique et plus dépouillé que Captain Toad. Sa grande affaire à lui, c’est la coopération : deux personnages aux capacités différentes nous sont offerts, l’idéal étant de s’y mettre à deux pour les diriger même s’il demeure possible de vivre l’aventure en solo en passant régulièrement de l’un à l’autre des héros – si l’amitié est une clé, rien n’empêche d’être son propre meilleur copain. Dans ses meilleurs moments, par son minimalisme quasi militant, ses inspirations plastiques et la logique subtile de ses enchaînements d’actions, Pode se révèle incroyablement envoûtant. On regrette juste que, sur ses écrans fixes, certaines énigmes manquent quelque peu de clarté.
BlazBlue : Cross Tag Battle
Arc System Works, de 30 à 40€. Également disponible sur PS4
Commençons par un aveu : l’auteur de ces lignes n’a jamais été bon à aucun jeu de combat japonais, et n’a jamais vraiment vu non plus l’intérêt de les pratiquer suffisamment longtemps pour le devenir. Mais cela n’empêche nullement de les aimer et même, n’ayons pas peur des mots, d’être absolument fasciné par le genre en tant que culture et par son sens du spectacle. De ce point de vue, BlazBlue : Cross Tag Battle, qui mêle les héros du jeu de baston en 2D BlazBlue (qui fête déjà ses 10 ans) et ceux des jeux Persona 4 : Arena et Under Night In-Birth et de la série d’animation RWBY, est une sorte d’aboutissement. Chaque combat est un feu d’artifice de formes et de couleurs, une chorégraphie flamboyante et brutale qu’on ne se lasse pas d’observer. Ludiquement assez proche de Dragon Ball FighterZ que l’on doit au même studio Arc System Works (et qui arrivera sur la Switch en septembre), BlazBlue : Cross Tag Battle a aussi le mérite de prendre par la main le débutant courageux pour lui enseigner son système de jeu. Pour, peut-être, un jour, devenir bon à la baston.
Another World
Digital Lounge / Dotemu, environ 10€
Flashback
Microids, environ 20€
En plus de se transformer à volonté en machine d’arcade idéalement portable, la Switch peut aussi permettre de réviser ses classiques, en commençant par les maîtres de la French Touch du début des années 1990. Deux des jeux les plus influents de l’époque viennent ainsi de ressortir sur la console de Nintendo : Another World (1991) d’Eric Chahi, dont se revendiquent entre autres Fumito Ueda et Hideo Kojima, et Flashback (1992) de Paul Cuisset. Deux titres mariant avec talent l’aventure et la plateforme, à la narration subtile et à l’ambiance sidérante. Deux titres, aussi, dont la difficulté a de quoi faire souffrir même les plus aguerris, mais ces nouvelles versions offrent quelques possibilités (désactivables si l’on préfère une expérience plus old-school) d’en triompher sans ramer : des points de sauvegarde raisonnablement rapprochés, des tutoriels suffisamment pédagogiques et, dans le cas de Flashback, une possibilité de rembobiner l’action en cas d’échec à la manière de ce que propose aussi Mega Man Legacy Collection. Cela revient à trahir l’œuvre originale, diront certains. On peut aussi trouver que, comme au musée, c’est une merveilleuse occasion de la visiter sans trop se faire mal.
All-Star Fruit Racing
3DClouds.it, environ 40€
Sortir un jeu de kart, et en plus avec des personnages originaux plutôt qu’en s’appuyant sur une “licence” connue, sur une console de Nintendo, il fallait oser. Est-ce qu’en la matière, tout le monde n’est pas déjà comblé avec Mario Kart ? All-Star Fruit Racing a cependant des arguments à faire valoir : un système de power-ups plus stratégique (à base de fruits ramassés sur la piste, dont on décide ou non de combiner les capacités), des circuits plutôt exigeants (et, en conséquence, en cas de victoire, un vrai sentiment d’accomplissement) et, au milieu des fruits, des sourires et des exclamations semi-ironiques (“Super duper”, ce genre), une ambiance dont la joie confine par moment idéalement au flippant – appelons ça l’effet fête foraine. Dommage que, techniquement, la version Switch ne soit pas à la hauteur de celles des autres consoles. Peut-être qu’une prochaine mise à jour viendra affiner ses images et réduire ses temps de chargement ? Il le mériterait.
Sonic Mania Plus
Sega, environ 20€. A paraître le 17 juillet. Également sur PS4 et Xbox One
Une petite année après son arrivée en dématérialisé, le meilleur jeu Sonic de ces dernières années s’offre une sortie “en boîte” qui brille, avec un petit recueil d’illustrations et de dessins préparatoires et même une jaquette réversible pour faire comme s’il s’agissait d’un titre MegaDrive. Sonic Mania gagne par la même occasion deux nouveaux héros (un tatou et un écureuil volant), un nouveau mode de jeu reposant sur l’alliance de deux personnages et nombre de petits ajouts et améliorations qui font incontestablement de cette réédition Plus la version ultime de ce jeu dont les auteurs, venus de la scène indé, ont su retrouver l’élan des épisodes 90’s sans pour autant sombrer dans l’académisme soniquien. Car Sonic Mania n’est pas un simple exercice nostalgique mais, plutôt, une tentative de prendre à bras-le-corps l’héritage du hérisson pressé pour voir ce que l’on peut en tirer aujourd’hui en déviant du chemin majoritairement suivi pas Sega depuis une vingtaine d’années. Le résultat est plutôt ardu, mais si brillant qu’on perd même avec le sourire.
Mario Tennis Aces
Nintendo, environ 60€
Enfin un jeu de tennis réaliste. On plaisante mais, jusque dans ses facéties et ses outrances, le dernier volet en date de la sous-série Mario Tennis séduit d’abord par sa manière de ne jamais perdre vraiment de vue le tennis en tant qu’exercice à la fois d’endurance et de précision. Oubliée, l’avalanche de pouvoirs farfelus qui faisait flirter certains épisodes précédents avec la confusion la plus totale, remplacés ici par deux types de frappes puissantes qui ne s’offrent à nous qu’à condition d’avoir rempli une jauge spéciale en enchaînant les échanges. Mais, pour marquer le point, encore faudra-t-il viser juste, ce qui, sur un point tendu, exige parfois des nerfs d’acier. En plus de ses “coupes” sur le modèle de Mario Kart et de ses affrontements en ligne, Mario Tennis Aces propose aussi un très chouette mode “aventure” où l’on enchaîne les mini-matches et autres missions (renvoyer les balles que nous envoient les Plantes Piranha, ce genre) pour désenvoûter Wario et Luigi en suivant les conseils d’un dieu du tennis. Qui pourrait décemment dire non à une telle invitation ?
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