Le 4 février sort Interventions 2, sorte de maxi best of regroupant des textes et essais publiés par Houellebecq depuis une quinzaine d’années. Voilà dix bonnes raisons de se s’y plonger.
1. Interventions 2 contient le meilleur single punk de Michel Houellebecq, Jacques Prévert est un con. Un texte foudroyant, de 4 pages à peine, qui ouvre le recueil, et dans lequel le gars Michel brise vite et sans trembler le tibia et le péroné de Prévert, avant de l’achever froidement en se remettant la mèche : « Sur le plan philosophique et politique, Jacques Prévert est avant tout un libertaire ; c’est à-dire, fondamentalement, un imbécile« . R.I.P. Jacques Prévert.
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2. Dans La Fête (publié à l’origine dans le magazine 20 ans et déjà lu dans Rester Vivant et autres textes), Houellebecq livre une analyse à la fois puissante et désespérée, sur fond de whisky-coca, du rapport rapport particulier de l’occidental à l’amusement en général. C’est drôle, méchant et lucide, et la conclusion est terrible : « Enfin, une perspective consolante : l’âge aidant, l’obligation de la fête diminue, le penchant à la solitude augmente ; la vie réelle reprend le dessus. » Un autre whisky-coke Michel ?
3. Vous aussi un jour, couché sur le ventre à la plage, vous avez ressenti un sentiment étrange devant cet Allemand en vacances qui secouait sa serviette en interpellant très fort ses deux enfants. Vous ne saviez pas bien comment exprimer tout ça hein. Eh bien Michel Houellebecq l’a fait pour vous dans L’Allemand, redoutable somme de considérations sur celui qu’il décrit comme l’habitant d’un « pays intermédiaire« , que l’on retrouve généralement en villégiature « en Espagne, souvent entre Carthagène et Valence« , et dont la vie évoque « d’assez près celle d’un travailleur immigré« . Wünderbar.
4. Page 43, dans Approches du désarroi, publié dans le recueil Dix initié en 1997 par Les Inrockuptibles, on lit un passage qui pourrait fixer à lui seul la texture de l’oeuvre de Houellebecq : « En décembre 1986, je me trouvais en gare d’Avignon, et le temps était doux. A la suite de complications sentimentales dont la narration serait fastidieuse, je devais impérativement – du moins le pensais-je – reprendre le TGV pour Paris. J’ignorais qu’un mouvement de grève venait de se déclencher sur l’ensemble du réseau SNFC. Ainsi la succession opérationnelle de l’échange sexuel, de l’aventure et de la lassitude se trouva d’un seul coup brisé. J’ai passé deux heures, assis sur un banc, face au paysage ferroviaire déserté. Des voitures de TGV étaient immobilisées sur les voies de garage. On aurait pu croire qu’elle étaient là depuis des années, qu’elles n’avaient même jamais roulé. Elles étaient simplement là, immobiles. Des informations se chuchotaient à voix basse parmi les voyageurs ; l’ambiance était à la résignation, à l’incertitude. Ç‘aurait pu être la guerre, ou la fin du monde occidental« .
5. Même si il ne va pas aux Oscars, Michel Houellebecq c’est quand même beaucoup mieux que François Bégaudeau tsé.
6. Interventions 2 contient le très bel éloge de Neil Young écrit par Houellebecq pour le Dictionnaire du rock de Michka Assayas. Tout simplement intitulé Neil Young, c’est peut-être l’un des textes les plus justes jamais publié sur la musique du Loner. La barbe et les cheveux vous poussent à chaque ligne. A lire et relire en écoutant Heart of Gold, en boucle, en bouclette.
7. On trouve dans ce recueil le très rare et donc le très cher Vers une semi réhabilitation du beauf publié à l’origine sur internet, et dans lequel Houellebecq démonte littéralement le dessinateur au bol Cabu, qui serait l’inventeur du terme beauf : « Le bouddhiste est parfois très drôle, le beauf « charcuterie » également »; Cabu, jamais. » Tiens bing, fume et range ton crayon et ta planche à dessin.
8. Dans les premières lignes Consolation technique, Houellebecq expose ainsi son rapport à lui-même : « Je ne m’aime pas. Je n’éprouve que peu de sympathie, encore moins d’estime pour moi-même ; de plus, je ne m’intéresse pas beaucoup. Je connais mes caractéristiques principales depuis longtemps, et j’ai fini par m’en dégoûter. » Next.
9. On retrouve à la fin de ce recueil un entretien que Houellebecq a accordé en 2006 à Paris-Match, dans lequel l’auteur livre son approche de la littérature française actuelle et rend un hommage ému et émouvant à Guillaume Dustan : « Quand Guillaume est mort, j’ai compris que ma jeunesse était finie.«
10. Pour Interventions 2, Michel Houellebecq n’a pas écrit à Bernard-Henri Lévy. Qui du coup ne lui a pas répondu.
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