Alors que son album « Control » vient de sortir, on a rencontré Fyfe pour discuter un peu. Au programme : son premier projet avorté, le besoin de tout contrôler et une certaine admiration pour Christine and the Queens.
Vous êtes sans doute passés à côté de son premier projet, David’s Lyre, mais vous passerez difficilement à côté du deuxième, Fyfe. Plus épuré, plus mature, mais toujours avec cette voix de velours, Paul Dixon, un Londonien de 25 ans, marque ce début d’année avec l’album Control. On l’a rencontré dans un café à Paris, près de Montmartre. C’est autour d’un thé à la menthe qu’il évoque son apprentissage de l’épure, du lâcher prise, lui qui reconnaît être du genre control freak. Autant que fan de Christine and The Queens.
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Ce n’est pas ton premier essai en musique : avant Fyfe, tu t’appelais David’s Lyre ?
Fyfe – Oui, j’ai commencé avec le projet David’s Lyre en 2010, et ça a duré deux ou trois ans. J’étais sur le label Mercury, c’était vraiment intéressant, mais au bout de deux ans, ils n’ont pas renouvelé le contrat. Ce qui est assez courant : soit tu deviens connu, soit ils te lâchent, il n’y a pas d’intermédiaire. Mais c’était incroyable : pendant deux ans, j’ai fait mon éducation au coeur de l’industrie musicale. Donc je suis très reconnaissant, même si ça n’a pas abouti. C’est même une bonne chose que ce soit terminé comme ça, ça aurait été terrible d’être sur un label qui ne croit pas en toi et qui ampute ton album. J’ai pu sortir l’album tel que je le voulais en ligne (Picture of Our Youth, sorti en 2012 – ndlr). C’est devenu assez classique de ne pas réussir du premier coup – j’ai d’ailleurs écrit un article dessus – des gens comme Jungle ou Spector sont des deuxièmes projets. De plus, les journalistes comme labels deviennent de plus en plus compréhensifs sur le fait de ne pas réussir du premier coup.
Comme un brouillon, pour ensuite rendre une copie sans ratures ?
Oui, c’est à travers ce premier essai que j’ai réalisé quelle musique je voulais faire. A l’époque, j’étais encore en phase d’apprentissage, je n’arrêtais pas d’empiler les couches, quitte à trop en faire. J’ai également appris à me servir de ma voix, je suis plus à l’aise avec elle, avec qui je suis. Même émotionnellement, j’ai appris à livrer une performance, à être dans l’acting, à ne pas me contenter de chanter.
Comment est né Fyfe après David’s Lyre ?
Ça s’est fait assez rapidement, alors même que David’s Lyre existait encore. Je n’étais plus à l’aise avec la direction qu’avait prise ce premier projet, j’écrivais déjà des chansons pour mon projet suivant. Pendant les mois d’écriture, j’ai arrêté complètement d’écouter de la musique pour ne pas être distrait, excepté des albums que j’adore, comme ceux de Lauryn Hill ou de Jeff Buckley. Je ne voulais pas ressembler à ce qui se faisait à ce moment-là, c’était notamment l’époque du r’n’b alternatif avec The Weeknd. Le nom Fyfe est venu en composant Solace : j’avais fait une liste d’une dizaine de mots, et j’ai choisi Fyfe. Ça ne veut rien dire, c’est un prénom qui existe en Angleterre, mais il me plaisait, j’aimais comme il sonnait.
En publiant le premier morceau de Fyfe, tu te doutais que cette fois ça fonctionnerait vraiment ?
En tout cas je l’ai senti. Je pense que trois choses ont plu aux gens : d’abord les chansons – la production est secondaire sur cet album – ; ensuite, il y a ma voix que les gens semblent apprécier ; et troisièmement, la simplicité. Aujourd’hui, avec toutes les possibilités offertes par la technologie, on a envie de mettre tout ce qui nous plaît, d’empiler et de se retrouver avec quelques secondes de dubstep en plein milieu d’un morceau. C’est exactement ce qui m’est arrivé avec mon premier projet. Je pense que les gens apprécient de voir que tu sais où tu veux aller, que tu as confiance en toi.
Tu as tout fait tout seul ?
Oui, c’est moi qui ai tout imaginé, mais ça a pris du temps. J’aime travailler seul, je suis quelqu’un d’assez introverti. Notamment parce qu’écrire, c’est très personnel, ça rend assez vulnérable, et je crois que je n’étais pas prêt à le faire entouré de gens – je le suis davantage désormais. D’ailleurs ça ne s’arrête pas à l’écriture : j’aimerais monter mon label un jour, je m’intéresse à la conception de l’album de bout en bout, même quand il s’agit de l’aspect financier, les modèles économiques. Ca tient sans doute au fait que j’ai fait des études d’économie à Manchester.
Comment as-tu commencé la musique ?
A 5 ans, mes parents ont décidé que moi et mes frères et sœurs devions faire un instrument. Nous n’avions pas le choix. Nous avons tous appris le violon parce qu’il y avait un cours gratuit pas loin, à Londres. J’ai suivi une formation classique jusqu’à mes 18 ans. J’ai d’abord détesté ça, puis c’est devenu supportable. A 11 ans, je me suis mis à d’autres instruments, la guitare, la trompette, mais ça restait du classique. C’est seulement à 15 ans que je me suis mis à jouer dans des groupes de rock. Je pense me réconcilier avec le violon pour mes prochains morceaux, ça peut donner des sons très intéressants. Et pour le chant, j’adore chanter depuis des années, quand j’ai commencé le violon, un professeur a voulu convaincre mes parents que je devais faire de la chorale. Mais mes parents ne voulaient pas, ils voulaient que je sois « normal ». (rire)
C’est l’obsession de tout contrôler et de tout faire toi-même qui a donné le nom de ce premier album, Control ?
Il y a plusieurs sens. D’abord, le constat que tout contrôler est impossible : j’ai dû comprendre que la vie continue, que je sois là ou non, le café où nous sommes existera toujours, la terre continue de tourner. Tu peux tenter de te cramponner aux choses, de vouloir les manipuler mais tu ne peux pas forcer les choses. C’est une invitation à lâcher prise en toute conscience, notamment au sein des relations. Mais c’est paradoxal, parce que je suis un vrai control freak : je dis qu’il faut arrêter de vouloir tout contrôler, et en même temps sur cet album, j’ai tout fait. Mais j’ai quand même voulu laisser de la place à l’émotion, notamment quand je chante l’amour, la passion. On me qualifie parfois de crooner, mais c’est très nouveau pour moi de me livrer comme ça, je n’étais pas aussi à l’aise avant.
On retrouve pas mal de paradoxes dans cet album, aussi bien dans les sonorités – entre folk et r’n’b – les paroles – à la fois pudiques et intimes – et le visuel – tu te caches, mais derrière un masque de couleurs vives.
C’est cette confrontation entre les différents univers que je trouve intéressant. L’album peut paraître assez triste mais ma voix est là pour que le morceau se déploie, s’envole. Dans ce sens-là, ce que je fais est assez pop. A la guitare-voix, j’ai ajouté des beats froids comme une structure. Et au niveau du visuel, je voulais que les images soient belles, colorées, bien que les poses soient sombres.
On a le sentiment que Fyfe s’entend bien avec la France : tu y joues de nombreuses dates, et on t’as vu en feat avec des artistes français comme Sneazzy ou remixé <a href=" » target= »_blank »>par Thylacine. Tu le ressens également ?
Oui, il se passe quelque chose ici. C’est génial parce que j’adore Paris, ça fait 5 ans que j’essaie d’y emménager. Et puis il y a la culture française : la nourriture, le vin rouge, ce sont des stéréotypes, mais ça existe, non ? En terme de musique, j’aime beaucoup Christine and the Queens, elle est incroyable. Ca ne m’étonne pas qu’elle s’en sorte aussi bien.
Est ce que ce second projet, Fyfe, te plaît assez pour envisager un deuxième album sous ce nom ?
J’ai déjà commencé à écrire, ce sera bien sous le nom de Fyfe. Mais ça a évolué. J’ai une idée, mais je peux difficilement en parler, ça risque de changer. C’est plus dans l’idée de la cover de Kanye West que j’ai fait, mais peut être que je vais tout changer et sortir un album acoustique, en guitare-voix, qui sait ?
Album Control (Believe) disponible
Concert le 8 avril à Paris (Point Ephémère), le 10 à Bruxelles, le 15 à Dijon, le 23 à Lille et le 24 au Printemps de Bourges
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