La vertigineuse accélération des transactions financières, portée par des robots, menace de faire exploser un système déjà foncièrement vicié.
Que les ultimes naïfs qui veulent encore croire à la “moralisation” de la finance survenue après le traumatisme de la crise des subprimes de 2008 regardent attentivement l’enquête d’Ivan Macaux et Ali Baddou : ils déchanteront vite et tomberont de très haut. Plus rien ne pourra plus les rendre aveugles à la réalité chaotique des pratiques concrètes des traders, qui ont modifié leurs modes opératoires pour que rien ne change. Voire pour que tout empire.
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7000 transactions en un clignement d’œil : le speed est poussé jusqu’au pire de son potentiel toxique
Depuis la parution récente du livre du journaliste américain Michael Lewis, Flash Boys, mais aussi dans l’essai de Frédéric Lelièvre et François Pilet, Krach machine (Calmann-Lévy), le visage des “nouveaux loups de Wall Street”, approchés dans ce documentaire assez technique, a un nom : le trading haute fréquence (THF). C’est-à-dire une accélération des transactions financières à une vitesse hallucinante.
Grâce à des algorithmes qui échappent même à leurs concepteurs, les traders sont capables de réaliser sept mille transactions le temps d’un clignement d’œil. Ni vu ni connu, pas vu pas pris. Le speed est poussé jusqu’au pire de son potentiel toxique. Au risque du “flash krach”, lorsqu’un robot-trader s’emballe tout seul et explose, comme ce fut le cas en mai 2010, où pendant quelques minutes les ordinateurs ont cessé d’opérer à Wall Street.
Un nouveau bal tragique de la finance, plus incontrôlable que jamais
Cette recherche de vitesse accélérée conduit des sociétés habiles à installer sur nos territoires des fibres optiques : comme les ondes radio, les ondes électromagnétiques permettent une circulation délirante des données bancaires et une perversion du jeu d’achat et de vente de titres. Ces ordinateurs commandent déjà 70 % des opérations boursières aux Etats-Unis, et 40 % en Europe.
Ali Baddou, filmé quasi amoureusement par le réalisateur Ivan Macaux (qui ne se lasse jamais du visage du journaliste, présent dans presque tous les plans), part à la rencontre des acteurs, complaisants ou critiques, de ce nouveau bal tragique de la finance – devenue plus incontrôlable que jamais. Des traders repentis comme Brad Katsuyama ou Haim Bodek, des observateurs attentifs comme l’anthropologue Alexandre Laumonier dressent ici le constat désenchanté d’un “turbo-capitalisme” devenu fou, dangereux et truqué, dont seule une taxe conséquente sur les transactions financières pourrait, autant que faire se peut, conjurer les périls. Jean-Marie Durand
Les Nouveaux Loups de Wall Street documentaire d’Ivan Macaux
et Ali Baddou. Mercredi 29, 20 h 50, Canal+
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