De Beck à Emmylou Harris, on se met sur son trente et un pour rendre un hommage sincère au dandy Gram Parsons. Ça commence par les voix emmêlées de Chrissie Hynde et d’Emmylou Harris, deux rombières en état de grâce, modulant à l’envi les couplets célestes d’une ballade intemporelle. Et ça laisse comme deux ronds […]
De Beck à Emmylou Harris, on se met sur son trente et un pour rendre un hommage sincère au dandy Gram Parsons.
Ça commence par les voix emmêlées de Chrissie Hynde et d’Emmylou Harris, deux rombières en état de grâce, modulant à l’envi les couplets célestes d’une ballade intemporelle. Et ça laisse comme deux ronds de flan, le souffle coupé par l’incroyable beauté de ladite ballade. Une chanson de peine et de foi, écrite en 1971 par un beau gosse de riches en sursis, sanglé dans des costards impossibles et dont le parcours allait s’achever deux ans plus tard dans un motel pourri du désert de Mojave, d’une overdose d’héroïne, de cocaïne, de sexe et d’alcool, d’une overdose de tout. She, c’est la quintessence de l’art de Gram Parsons, l’aboutissement d’une quête entamée dès l’enfance placée sous le signe de la mort et de la folie , la poursuite d’un idéal musical où fusionneraient country originelle, soul éternelle et rock en vogue, un cocktail orgiaque et visionnaire baptisé « cosmic American music » qui allait bouleverser jusqu’aux Stones eux-mêmes, pillards stupéfaits par la fulgurance d’un talent aussi rare que munificent. Que ce soit avec les Byrds qu’il bouleversa de fond en comble , avec les fondamentaux Flying Burrito Brothers ou en solo deux albums crépusculaires, indispensables , Gram Parsons n’accoucha que de chefs-d’oeuvre, oscillant sans cesse entre repli sur soi et dépassement de soi, nouant obstinément le fil de racines fuyantes à l’insupportable réalité d’un présent implacable et donc à un au-delà qui lui tendait les bras. Pas étonnant qu’un génie protéiforme de la trempe de Beck se reconnaisse en lui, allant jusqu’à choisir la propre partenaire de Gram (Emmylou encore) pour lui donner la réplique sur un Sin city troublant de dévotion et de fidélité. Fidélité semble d’ailleurs le maître mot de cette compilation sans surprise, unissant comme il se doit vieilles barbes et jeunes pouces dans un même élan de ferveur. Evan Dando, Elvis Costello ou Steve Earle, disciples autoproclamés, y côtoient quelques dinosaures décongelés pour l’occasion (Chris Hillman, David Crosby), tandis que les tenants de l’Americana pure et dure, « néo-trads » à la Wilco ou Wiskeytown, jouent sans fausses notes une partition taillée sur mesure. C’est souvent admirable, exécuté comme de juste avec finesse et goût (n’était une paire de rogatons nashvilliens), mais avec une distance prudente qui exclut la moindre trace d’urgence, comme si tout ce beau monde s’était trouvé pris de vertige au moment de s’engouffrer dans les failles béantes de ces chansons suintant la poisse et les désillusions, les prémices d’une fin imminente. N’est pas Orphée qui veut, Gram Parsons encore moins que ses épigones, lesquels contemplent de loin l’enfer où végète celui que, de son vivant déjà, on appelait « l’ange déchu ».
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