Avec la trilogie « Assassin’s Creed Chronicles » et son premier volet « China », la saga d’Ubisoft adopte une esthétique arty et se convertit au jeu à épisodes. Le résultat est plutôt bon, parfaitement dans l’air du temps, mais peut-être un peu trop calculateur.
Votre mission, en cette année 1526 : « libérer la Chine de l’emprise des Templiers ». L’objectif a de quoi surprendre – on ignorait tout de la présence (historiquement farfelue) des chevaliers de l’ordre du Temple sur ces terres extrêmement orientales – si l’on n’était pas dans un nouveau volet de la saga Assassin’s Creed, dont les auteurs se plaisent à projeter l’affrontement fantasmatique entre Templiers et Assassins en tous lieux et époques. L’Histoire est leur terrain de jeu, et on ne leur reprochera pas (en tout cas pas toujours) de prendre quelques libertés avec les faits avérés.
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Assassin’s Creed est donc de retour. Déjà ? Les derniers volets en date de la saga, Unity (qui plongeait le joueur en pleine Révolution française) et Rogue (qui s’inscrivait, lui, dans le prolongement pirate d’AC IV : Black Flag), ne datent pourtant que de l’automne dernier. Mais le nouveau jeu est d’un type différent des précédents, et pas seulement parce que notre alter ego y est un personnage féminin. Se déroulant en Chine, il troque les mondes en 3D fourmillant de détails à explorer (à peu près) librement des précédents contre une représentation 2D vue de côté.
Surtout, il s’agit du premier épisode, baptisé China, de la trilogie Assassin’s Creed Chronicles dont les suivants, distribués comme celui-ci par téléchargement, emmèneront successivement les joueurs en Inde et en Russie. Pour y faire, grosso modo, ce qu’ils accomplissent déjà dans les Assassin’s Creed « classiques » : grimper, sauter, se cacher, tuer des gens pas très gentils ou essentiellement coupables de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment et récupérer tout un tas de trucs et de machins plus ou moins difficiles à dénicher.
Un petit air de Prince of Persia
Et alors, trépigne le fan, ça vaut quoi, cet AC miniaturisé ? C’est plutôt pas mal, agréable à l’œil (à condition de ne pas être allergique aux giclées de sang) autant qu’à jouer, bien qu’assez répétitif – il est sans doute préférable de parcourir cet épisode chapitre par chapitre plutôt que d’une seule traite. On s’amusera par ailleurs de voir comment, en 2D, Assassin’s Creed retrouve quelque chose du grand ancêtre de son propre modèle, le Prince of Persia originel dont la déclinaison 3D tardive avait justement inspiré le premier AC. Mais cet Assassin’s Creed Chronicles : China est peut-être plus intéressant en tant que symptôme que comme jeu, aussi honorable soit-il. Car il est absolument de son temps, et d’une manière si globale et systématique qu’elle en ferait presque peur.
Combien d’Assassin’s Creed le joueur peut-il fréquenter en une année sans se lasser ? Visiblement, pour Ubisoft, le nombre doit être assez important puisque l’éditeur français juge bon, en plus de son blockbuster annuel et de ses spin-offs habituels (sur mobiles, sur les consoles de la génération précédente), d’occuper le terrain dans ces mois commercialement plus creux en proposant une sorte de collection printemps-été (plus légère, avec de nouvelles teintes, de nouveaux motifs) de sa saga reine.
Décliner la marque, développer la franchise, la rendre multiforme, omniprésente, incontournable. Pour ce faire, rien de tel que le traitement épisodique et la diffusion en ligne, sur le modèle de la série télé que les éditeurs de jeux sont de plus en plus nombreux à adopter (avec Game of Thrones, Resident Evil, Life is Strange…) à ceci près que, pour Assassin’s Creed, la logique est plutôt celle de la série anthologique – les épisodes possèdent une inspiration commune mais ne se suivent pas directement – plutôt que feuilletonnante. Si le succès est au rendez-vous, on peut d’ailleurs tout à fait imaginer une saison 2 d’Assassin’s Creed Chronicles qui visiterait de nouveaux lieux et époques, voire s’attendre à ce qu’un traitement comparable soit appliqué à d’autres licences d’Ubisoft comme Watch Dogs, Far Cry ou Splinter Cell.
Faussement indé
Mais ce système de jeu vaguement rétro et néanmoins riche en possibilités – l’essentiel du répertoire d’actions d’Assassin’s Creed a été transposé – couplé à l’esthétique minutieuse de ces décors aux faux airs d’estampe, ça ne ferait pas un peu… indépendant ? C’est une autre « tendance » avec laquelle flirte China, et c’est un peu plus gênant. Avec les tout bons Child of Light et Soldats inconnus, Ubisoft avait inventé le jeu-pas-indé-mais-presque (comprendre : produit avec des moyens limités et une inspiration libérée au sein d’une grande structure) mais, cette fois, c’est un peu différent, ce mini-Assassin’s Creed ne possédant pas leur audace plastique, ludique ou thématique. Impossible d’évacuer le sentiment que le « terrain » qu’Ubisoft risque d’occuper avec Assassin’s Creed Chronicles est aussi celui des indés, les vrais, ceux qui ont des idées et un style singulier. Ce serait dommage parce qu’on l’aime bien, mais quand même moins qu’eux.
Assassin’s Creed Chronicles : China (Climax / Ubisoft), sur PS4, Xbox One et PC, environ 10 €.
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