Et si la meilleure série politique actuelle était la comédie de HBO ? La question se pose avec la quatrième saison qui vient de débuter.
Au départ, il était possible de regarder Veep comme un succédané. Mise à l’antenne par HBO au printemps 2012, elle ressemblait comme une petite cousine à l’anglaise The Thick of It (2005-2012), avec qui elle partageait son créateur Armando Iannucci, plusieurs comédiens et surtout un esprit dans la lignée des comédies british des années 2000, ironiques et vicieuses, de type The Office. Même le style de faux documentaire y était. Mais trois ans plus tard, alors que la saison 4 vient de commencer, Veep compte déjà plus d’épisodes que son aînée. Elle a largement acquis son indépendance.
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Pour rappel, Julia Louis-Dreyfus, qui enchanta le monde sous les traits de la délicieuse Elaine dans Seinfeld, joue ici Selina Meyer, au départ vice-présidente des Etats-Unis. Vaguement incompétente, elle est surtout totalement désagréable avec ceux qui croisent sa route, en particulier sa garde rapprochée. C’est le premier territoire majeur de la série, son traitement rigolard mais précis des luttes internes au travail – n’importe lequel, en réalité, à partir du moment où une forme de pouvoir se trouve en jeu. Des rapports hiérarchiques brutaux à l’essentielle dimension sexiste du monde professionnel, Veep aborde frontalement ce que peu de séries regardent avec acuité. Dans ce cadre mouvant, Selina Meyer est une vraie héroïne d’aujourd’hui : elle incarne tour à tour l’oppresseur et la victime. Cassante, voire abusive, la brune se voit aussi malmenée par une tonne de garçons qui en ont dans le slip et pensent que cela suffit. C’est une des clés du personnage, qui la rend au fil du temps aussi prévisible qu’étonnamment complexe. Souffrir et/ou faire souffrir, telle est sa question.
On rit évidemment beaucoup devant Veep. La critique sociale se déploie à travers un art du gag constant et plutôt classique : personne, ici, ne se retient vraiment d’être veule, grossier, lâche ou simplement idiot, comme dans toute bonne sitcom. Accolé à la représentation du monde politique, cela devient assez vite provocateur et même passionnant. Récemment, la figure de l’homme ou de la femme de pouvoir stupide a vu passer plusieurs beaux spécimens dans la vraie vie, de George W. Bush à Sarah Palin. On a pu penser à cette dernière lors des premières saisons de Veep.
Selina Meyer meilleure que Frank Underwood
Mais la série ne se contente pas d’imiter le réel. Dans cette quatrième saison, Selina Meyer démontre qu’elle a effectué certains progrès, même si le pouvoir tel qu’elle l’exerce reste essentiellement un jeu de gamin(e) ne sachant pas trop quoi faire de ses jouets. Grâce à un concours de circonstances, l’ex-vice présidente se retrouve à la tête du pays. La voilà qui enchaîne les réunions avec les responsables militaires et autres messieurs en uniforme, tout en essayant de faire passer une loi. Bien que le flou règne pour le spectateur quant à la véritable orientation politique de la néoprésidente – plutôt conservatrice dans l’ensemble–, la série réussit à ne pas baisser la garde sur son traitement du système politique américain. C’est incroyable mais c’est ainsi, Veep décrypte les rouages de la Maison Blanche avec une acuité peut-être plus grande encore que ne le fait la très sérieuse House of Cards.
Selina meilleure que Frank Underwood ? Selina capable d’ouvrir la voie à Hillary Clinton ? C’est un comble, mais cela se défend. Le premier épisode de la nouvelle saison, structuré comme un morceau de bravoure de la regrettée A la Maison Blanche, l’a prouvé en beauté : nous sommes devant une série en pleine forme. Seule ombre au tableau, le départ annoncé du showrunner Armando Iannucci, malgré le renouvellement de Veep pour une saison 5.
Veep saison 4, lundi 27, 22 h 25, OCS City
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