Kanye West fait la Une du magazine américain « Paper », non pas pour casser internet avec ses fesses huilées, mais avec une tribune sur le rêve américain. Il y parle de Steve Jobs, du racisme ou d’internet. Florilège.
En novembre dernier, c’était son épouse qui y posait en Une pour « casser internet ». Le magazine new yorkais Paper accueille désormais dans ses colonnes une longue tribune de Kanye West intitulée The American Dream. Mais il contredit le titre dès la première phrase: enfant de la mondialisation, il ne réfléchit pas en tant qu’Américain, mais comme un artiste qui essaye de penser le monde dans sa globalité. Il alterne anecdotes improbables (son passage en Chine, chez le dentiste, son port du kilt) et réflexions plus profondes sur ce début de siècle. Ceux qui détestent Kanye West y verront un nouveau délire ponctué d’envolées lyriques kitsch et petites phrases improbables, tandis que ses défenseurs y liront le manifeste d’un visionnaire qui se revendique de Steve Jobs.
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Internet, la circulation du savoir et le métissage culturel
« Beaucoup de gens veulent s’assurer que les choses ne deviennent pas hybrides, mais internet a rendu chaque conversation plus ouverte, à la fois littéralement et métaphoriquement. (…) Par exemple, il y avait une brodeuse dans une maison de couture de 90 ans et elle refusait de donner sa technique à quiconque. Elle disait « quand je mourrai, j’emporterai avec moi mon savoir-faire ». Je pense exactement l’inverse. En tant qu’artiste, il est tellement important pour moi de donner à Drake le plus d’informations possible, à A$AP, Kendrick [Lamar], Taylor Swift, et à pleins de jeunes artistes, de leur donner le plus d’informations possible pour que la musique s’améliore dans le futur ».
La mode
« Mon but n’est pas de « percer au sein du monde de la mode » ; mon but est de faire des sculptures que l’on puisse utiliser. Mon but est de peindre. Mon but est de me rapprocher au maximum d’un enfant de 5, 4 ou 3 ans. Si un enfant de 3 ans dit « j’aime la couleur orange », il ne donne aucune explication à personne, et le monde ne valide ou valide pas le fait qu’il aime la couleur orange. »
L’innovation
« Je ne me considère pas véritablement comme un musicien. Je suis un innovateur. Je suis un innovateur. Graduation [2007] était une innovation. 808s & Heartbreak [2008] était une innovation. La chanson Niggas in Paris [2011] était une innovation. Only One [titre issu de son prochain album] était une innovation. FourFiveSeconds [titre en collaboration avec Paul McCartney et Rihanna] était une innovation. J’ai le souci d’innover. Je me fous de capitaliser autour de quelque chose déjà vu ou entendu des milliers de fois. De ce point de vue-là, je ne suis pas capitaliste. Je suis un innovateur. C’est mon boulot. J’aime deux choses : j’aime innover et j’aime rendre les choses meilleures. »
Des Illuminati chez Tidal ?
« J’ai entendu des commentaires – c’est une grosse blague – à propos de la conférence de Tidal qui serait donnée par les Illuminati. S’il y avait eu des Illuminati, ils se seraient plutôt tournés vers une entreprise dans l’énergie. Pas vers des célébrités qui donnent leur vie à la musique et qui ne sont pas prises au sérieux par les personnes qui dirigent ce monde. Ca me fatigue ces gens qui accusent les musiciens d’être des Illuminati. C’est ridicule. On ne dirige absolument rien: nous sommes des célébrités. Nous sommes le visage de marques. Nous devons réduire ce que nous disons en paroles de manière à ne pas perdre de l’argent sur un contrat. Madonna à la cinquantaine et elle a tout donné pendant une cérémonie pour finir étranglée par sa cape. (…) On donne nos vies. On donne nos cœur. On donne nos opinions ! »
Artiste de droite
« Je pense que la beauté est quelque chose d’important et qu’elle est sous-estimée dans la culture contemporaine. (…) Une autre chose, c’est que je pense que l’argent est important. Je pense que les artistes ont subi un lavage de cerveau et ils voient l’argent de manière négative, alors que ça ne l’est pas. Je pense que ces deux choses sont aussi importantes l’une que l’autre dans notre civilisation actuelle ».
La fin du racisme ?
« Quand j’avais 10 ans en Chine, quand les enfants venaient vers moi pour me toucher le visage, c’était comme s’ils n’avaient jamais vu une personne noire auparavant; mais c’était il y a un petit moment. C’était il y a 20 ans et nous avons fait du chemin. Ce n’est plus l’état d’esprit actuel. Dans la chanson Never Let Me Down [2004], je disais ‘le racisme existe toujours, ils l’ont juste masqué’ mais ce n’est pas forcément vrai pour la nouvelle génération. Le racisme est quelque chose qui s’apprend, mais avec ces enfants issus de la génération post-internet, post-iPad, on leur a appris à scroller avant même de lire, ça ne va pas autant les affecter. Ils ont conscience que nous sommes une seule et même race. Que nous sommes de couleurs différentes – mes cousins et moi ont des apparences différentes et nous venons d’une même famille. Nous venons de la même famille que l’on nomme l’humanité. C’est aussi simple que ça. Et elle se bat contre des choses fascinantes – la pauvreté, la guerre, le réchauffement climatique, le classicisme – et il faut qu’on se rassemble pour y faire face. »
Trip sous azote chez le dentiste
« Une fois, j’étais chez le dentiste et on m’avait donné de l’azote et je me suis mis à planer – je pense que c’était ma version de Steve Jobs et de son trip sous LSD – et j’ai eu cette première pensée : quel est le sens de la vie ? Et je me suis dit: donner. Quels sont les secrets pour être heureux ? Le bonheur. Que voulons nous de la vie ? Quant tu donnes quelque chose à quelqu’un, doit-il te le rendre ? Non. Il ne faut pas attendre de compensation de la personne à qui tu as fait un don. Il faut juste donner. (…) Et puis je me suis dit – j’étais toujours en train de planer pendant qu’on me nettoyait les dents – je veux qu’on se souvienne de moi. Et je me suis tout de suite corrigé. J’ai dit peu importe si l’on se souvient de moi. L’azote n’a plus fait effet et j’ai eu une toute nouvelle attitude par rapport à la vie. »
Les perles
Sa légitimité dans le monde de la mode viendrait d’une jupe : « Vous avez payé pour en faire partie [de la mode]. J’ai payé mon dû quand j’ai porté un kilt à Chicago, et des amis me disaient ‘qu’est-ce que tu fous ?’. Mais il y a des combattants qui ont tué des gens avec un kilt dans le passé. (…) Quand j’ai vu ce kilt, il m’a plu. Ca m’allait ben. Je me suis senti inspiré. »
Sylogisme : « Tout le monde fait partie du monde de la mode, parce qu’être nu est illégal. »
Le papa attendri : « Quand je me plonge dans les yeux de North, je suis heureux de toutes les erreurs que j’ai pu faire. »
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