Avec L’Ombre du ciel, Catherine Diverrès confronte la chorégraphie aux arts plastiques.
Une femme seule dans le silence danse, lumineuse, simple, elle nous suggère un apaisement tout oriental. Sous ses pieds, la Terre semble par endroit cicatrisée. Entrent en scène des hommes vêtus de noir. Leur dynamique et la musique (Eiji Nakazawa) nous ramènent vers l’Occident. Puis, de nouveau, une ambiance plus immatérielle, plus climatique. On entend des cris d’oiseaux, des mugissements, la lumière se fait chaude, les danseurs évoluent dans la moiteur d’une nuit tropicale, une inquiétude envahit peu à peu les corps, on sent l’approche imminente d’un cataclysme et, doucement, le sol tremble, la cicatrice s’ouvre, l’entaille apparaît, blessure de la Terre en même temps qu’image puissamment sexuelle. Le corps se mêle à la terre et devient animal. La fissure semble avoir réveillé dans la chair des femmes une indicible douleur. Des couples, que la mort a surpris enlacés, sont séparés de force; un homme fume adossé à un autre, et le transforme en poussière; une femme se laisse tomber dans le trou comme prise de vertige, non sans avoir pris soin, auparavant, d’y jeter ses bijoux. Les danseurs deviennent les premiers ou les derniers habitants d’un coin de désert, les survivants d’un désastre.
Dans ses précédents spectacles, la chorégraphe Catherine Diverrès a souvent fait référence à la littérature et à la philosophie. Pour L’Ombre du ciel, c’est aux arts plastiques qu’elle confronte la chorégraphie. Fortement influencée par la pensée orientale, elle a trouvé en la personne du plasticien Anish Kapoor (Anglais d’origine indienne) une possibilité de travailler aux va-et-vient des imaginaires. Comme le souligne un collaborateur de Diverrès: L’un et l’autre travaillent en fait sur la métamorphose, le passage, la transformation: un concept oriental s’approche de cette quête, la conscience de l’impermanence des choses, une conscience sage et libre qui, dans un même mouvement, dans une même tension, saisirait l’origine et la fin.?
Chaque danseur (Bernardo Montet, Tal Beit Halachmi, Fabrice Dasse, Katja Fleig, Olivier Gelpe, Thierry Bae, Lluis Ayet-Puigarneau et Catherine Diverrès) offre une interprétation singulière, possède une force interne qui répond à celle des éléments. Ils semblent fouiller au plus profond d’eux-mêmes pour tenter d’y trouver l’inscription d’une mémoire collective de la matière. Les déchirements de la Terre, les mouvements géologiques, les définitions de frontières, autant de violences dont sont empreints individuellement ces hommes et ces femmes. Leur chair, leur sang, leur souffle font résonner l’idée de fin. La mort rôde, pas tragique, juste comme la limite matérielle de l’humain. L’Ombre du ciel est un spectacle placé sous le signe de l’infiniment grand, il possède une dimension cosmique. Il nous invite sur des chemins où le regard serait moins carré et moins pétri de certitudes, et offre une approche plus métaphysique du réel qu’il est urgent de saisir.
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