Une exposition qualifiée par Nice-Matin d’”anti-institutionnelle” mérite a priori le détour. Au menu des “Bords de l’oeuvre”, marges épaissies jusqu’à devenir centrales, limites agrandies jusqu’à former un plan de couleur, cadre à la fois support et surface, enfin sculptures ouvertes faites de leur seul contour. Invitation à un regard déviant qui se détache du centre […]
Une exposition qualifiée par Nice-Matin d' »anti-institutionnelle » mérite a priori le détour. Au menu des « Bords de l’oeuvre », marges épaissies jusqu’à devenir centrales, limites agrandies jusqu’à former un plan de couleur, cadre à la fois support et surface, enfin sculptures ouvertes faites de leur seul contour. Invitation à un regard déviant qui se détache du centre pour suivre les bords de l’oeuvre, ses renforcements (Peter Joseph), ses défoncements (Frank Stella), ses angles, linéaires chez Martin Barré, en aplats chez Ellsworth Kelly (Red, yellow, blue, 1963). Parfois ses courbes, ses raccourcis, et dans tous les cas, ses hésitations entre le dedans et le dehors. La couleur aborde la frange étroite du cadre, s’y concentre, comme prête à déborder. Penser la limite, c’est forcément la dépasser. Aller jusqu’à l’extrémité, c’est provoquer un évidement de l’oeuvre : au coeur, ne se trouve plus que du blanc (Robert Ryman), de la toile (Sam Francis, James Bishop), ou du vide (Toni Grand).
Conçue, musée Matisse oblige, comme la continuation d’une réflexion esthétique amorcée chez Matisse où volets et fenêtres ouvrent et recadrent l’espace à l’intérieur du tableau, cette exposition souligne ce que l’on savait déjà sans l’avoir toujours bien vu : l’essentiel réside souvent en marge de l’évidence. Comme quoi, « déborder par les ailes, c’est s’éloigner du rond central » (Luis Fernandez).
Jean-Max Colard