L’Inceste, Pourquoi le Brésil ? et La Petite Foule : trois étapes notables dans son parcours et de son évolution littéraire.
Trois livres, ou trois états de la création selon Angot : L’Inceste, sorti en 1999, est celui par qui le scandale est arrivé pour sa description sans fard de la personnalité traumatisante d’un père incestueux ; Pourquoi le Brésil ? (2002), qui raconte dans le détail son histoire d’amour avec un critique littéraire, adaptée au cinéma par Laetitia Masson en 2004 ; enfin, La Petite Foule (2014), qui compile dans un recueil de courts portraits, acides pour la plupart, de gens qu’elle a croisés. S’il fallait encore une preuve pour démontrer l’importance d’Angot en tant qu’écrivaine, elle serait là, dans ce qui fait tout à la fois la diversité et la cohérence de ces trois livres.
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Dans chacun d’eux, elle décortique et observe, sa vie ou celle des autres. Elle tente de dire ce qui est. Reconstituer plutôt que raconter, mettre en mots en cherchant le plus juste, car au fond tout est affaire de langage chez elle.
Au fil des pages, ce sont des phrases, prononcées ou écrites, qui sont épinglées et analysées. Elles définissent et dévoilent leurs auteurs. Nos mots, choisis consciemment ou non, nous constituent, voilà ce que dit Angot dans une entreprise littéraire qu’elle échafaude et complexifie texte après texte.
Une romancière en observation permanente
Car depuis des années, Christine Angot ne se contente pas de faire de l’autofiction, elle renouvelle le genre. Dans L’Inceste, texte déstabilisant s’il en est, elle utilise une expérience traumatique et personnelle, sa relation avec son père, comme un matériau, tout en créant des faux-semblants qui conduisent le lecteur à s’interroger sur la frontière entre réalité et fiction. Dans Pourquoi le Brésil ?, elle part toujours de son propre vécu, une histoire d’amour, mais met en lumière son universalité. Ce qu’elle écrit de ce moment de sa vie peut être lu comme une analyse du sentiment amoureux en général, dans laquelle chacun peut se retrouver.
Au fil des textes courts de La Petite Foule, Christine Angot croque très finement ses contemporains, comme La Bruyère dans ses Caractères. Mais pourtant, là encore, il s’agit d’autofiction car on devine la romancière toujours présente, observant ces écrivains imbus d’eux-mêmes dans une émission de télé, ces stars dans un cocktail, mais aussi cette femme anonyme dans une petite ville de l’est de la France.
Christine Angot est une théoricienne qui, à chaque livre, comme elle l’a montré récemment dans Une semaine de vacances ou Un amour impossible, cherche à approfondir et régénérer un genre littéraire qu’elle travaille et retravaille à l’infini. Car l’autofiction ne consiste pas seulement à regarder son nombril. Angot est concernée par le monde qui l’entoure, on l’a vue lors des élections enguirlander Fillon à la télé ou interviewer Valls dans Libération, et surtout elle poursuit, imperturbable, un travail de création exigeant. Ainsi elle crée de nouvelles facettes à ce genre littéraire si difficile à circonscrire qu’est l’autofiction, et nous surprend à chaque texte.
L’Inceste (J’ai lu), 190 pages, 6 €
Pourquoi le Brésil ? (J’ai lu), 190 pages, 5,50 €
La Petite Foule (J’ai lu), 252 pages, 7,20 €
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