Dans la loi renseignement que le gouvernement souhaite faire passer en procédure d’urgence au Parlement, l’installation de « boites noires » pour surveiller le trafic sur internet de tous les Français est extrêmement critiqué, notamment par la commission du numérique de l’Assemblée nationale.
La commission numérique de l’Assemblée nationale est formelle : il est « indispensable » que la loi de renseignement soit « actualisée ». Dans un rapport publié ce mercredi 31 mars 2015, cette commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge numérique met « en garde contre le risque d’aller, pas à pas, d’une surveillance ciblée à une surveillance généralisée« .
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Parmi les dispositions qui inquiètent le plus la Commission, il y a ces fameuses « boîtes noires », dont l’utilisation par les autorités reste encore très floue.
Qu’entend-on par « boîte noire »?
Derrière ce surnom obscur se cache un dispositif qui serait placé chez les grands opérateurs, plus précisément sur leurs infrastructures réseau. Il contiendrait un algorithme capable de détecter les activités des internautes sur Internet lorsque ceux-ci se rendent coupables de « comportements suspects ». Une définition large qui n’a pas été précisée dans le projet de loi, et qui pourrait très bien concerner n’importe quel utilisateur qui se rend – par envie, curiosité ou pour faire des recherches – sur un site considéré comme affilié à un mouvement djihadiste.
L’argument du gouvernement est simple. Pour contrer ses détracteurs, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian a affirmé, comme l’a rapporté le Monde, que l’utilisation de l’algorithme serait « extrêmement ciblée« , c’est-à-dire que ne seront détectées et extraites qu’une faible proportion de données jugées « suspectes ». D’autant plus que cet algorithme serait soumis au contrôle de la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), comme l’a également précisé le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve alors qu’il était auditionné le 31 mars dernier par la Commission des lois.
Pourquoi le gouvernement affirme que la surveillance est ciblée, alors que ses opposants affirment qu’elle est généralisée ?
Pour la Commission du numérique de l’Assemblée nationale, le projet de loi tel qu’il est rédigé ouvre la voie à « une collecte massive et d’un traitement généralisé des données« . Alors comment une même information peut-elle être interprétée de manière complètement opposée? Question de point de vue.
Pour le gouvernement, la surveillance via ces boîtes noires est « spécifique » car la collecte automatique de données effectuée serait faite en gardant les données « anonymes ». Après qu’un « comportement suspect » a été détecté, il faudrait ensuite l’accord du Premier ministre (« ou l’une des personnes déléguée par lui » précise le projet de loi) pour lever cet anonymat.
A l’inverse, les opposants au projet de loi (que le Monde.fr a recensés) affirment que le fonctionnement même de ces « boîtes noires » induit une surveillance massive.
« Le gouvernement utilise un abus de langage, en disant ‘vu qu’on n’extrait qu’une petite partie des éléments, ça signifie qu’on ne contrôle que ceux là’. En fait, on va brancher une espèce de ‘pince croco’ sur les câbles et puis on va regarder tout ce qui passe. C’est une arnaque intellectuelle », souligne Jérémie Zimmerman, cofondateur de la Quadrature du Net, qui se bat pour le maintien des droits et des libertés des citoyens sur Internet.
Pour ce dernier, l’utilisation du mot « boite noire » qui s’est généralisée dans les médias (mais n’a pas été prononcé par le gouvernement à l’origine), est d’ailleurs presque trop positif. « Je préférerais utiliser le terme de ‘mouchard’. Le mot ‘boîte noire’, en aéronautique, est associé à la recherche de la vérité, donc ce n’est pas le terme idéal pour en parler », continue-t-il.
D’autres mesures contestées dans le projet de loi renseignement
Même le New York Times semble sceptique. Dans un édito du 31 mars intitulé sobrement « l’Etat français de surveillance », la rédaction a démonté le projet de loi renseignement du gouvernement Valls dans son ensemble, qui donnerait notamment « des pouvoirs extraordinaires au bureau du Premier ministre au lieu des juges« . Selon le journal américain, ce projet mettrait également en danger la liberté de la presse, car les journalistes risqueraient de devenir des « suspects » de la police simplement parce qu’ils souhaitaient se rendre sur des sites « à risques » pour préparer un article ou un reportage.
>> Lire aussi : Le projet de loi renseignement de Manuel Valls en 5 questions
Pour rappel, le gouvernement souhaite faire passer cette loi en « procédure d’urgence », c’est à dire qu’il n’y aura qu’une seule lecture au Parlement, ce qui rabaisse considérablement le temps donné au débat.
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