Jay Mascis et Murph, les hardcoreux de Dinosaur Jr, ne parlent pas souvent. Et quand ils parlent, ils ne disent de toute façon rien qui vaille. Comme foudroyés par une mouche tsé-tsé, les deux chevelus du Massachussets s’amusent avec le niveau zéro du raisonnement et le mauvais goût.
Faux crétins surdoués ou vrais idiots miraculés, leur inconscience rigolarde et leur bruyant lymphatisme sont aujourd’hui des cas de médecine.
Abrutis avec malice.
Jay Mascis ? Si j’étais aussi paresseux qu’on le dit, je ne serais pas ici aujourd’hui. Je serais dans mon lit, à Almherst. Ça me rend malade d’entendre ce genre de choses. Je ne passe pas mes journées affalé devant la télé, tout cela n’est qu’une légende. Tu veux que je te montre à quelle vitesse je peux courir dans la rue ?
Murphy ? Moi, mon rêve serait de ne jamais avoir à me lever, me laver, devoir manger, ne pas être prisonnier de toutes ces conneries. C’est pour ça que je dois faire des tournées, pour me donner un but, une raison de me lever. En dehors du groupe, je suis incapable de trouver la moindre motivation. Je peux rester une journée entière assis sur une chaise, à ne rien faire Dinosaur Jr est la drogue qui me fait tenir le coup. J’ai sans doute besoin d’une bonne cure de désintoxication. Je vais venir en France, me refaire une santé avec des bons vins et des petits plats.
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Depuis deux ans, de nombreuses rumeurs annoncent votre séparation. Qu’en est-il ?
J ? Il suffit que tu te reposes pendant un an ou deux, que tu ne sortes plus de disque pour qu’on te dise mort. Tout ce qui s’est passé, c’est que nous avons viré notre bassiste. Les gens en ont tiré des conclusions, ont pensé que le groupe ne pouvait plus fonctionner. Comme si on avait besoin de ce connard pour vivre (rires)? Mais rassure-toi, je ne me suis pas encore lassé du groupe.
Le groupe a toujours eu du mal à trouver une formation permanente et définitive, seuls toi et Murph semblez inamovibles. Etes-vous impossibles à vivre pour les nouveaux venus ?
Depuis deux ans, nous n’arrivons pas à nous stabiliser. C’est vrai que le groupe est difficile, c’est comme une relation sentimentale entre nous. Alors, bien sûr, de temps en temps, il y a divorce, tu dois te remarier, c’est toujours délicat. Je sais que je suis difficile à vivre mais, bon, je m’en fous. Je peux tout faire tout seul. Quand il a fallu enregistrer Green mind, notre dernier album, ça a été dur mais je m’en suis tiré. Je peux très bien vivre comme ça.
Ne t es-tu jamais senti trop vieux pour continuer à faire un tel vacarme ?
En vieillissant, nous nous ramollissons. Quand je monte les escaliers de l’hôtel, après les concerts, je dois m arrêter pendant une demi-heure, pour reprendre mon souffle (rires)? La musique s’en ressent, nous utilisons de plus en plus de guitare sèche. Nous vieillissons mal.
M ? Je me sens vieux lorsque nous partons en tournée. Le public est très jeune, 16 ou 17 ans, c’est de plus en plus dur de se sentir proche d’eux. Je n’arrive plus à jouer de la batterie comme je le faisais il y a quelques années encore. Je ne peux plus taper aussi vite qu’au temps du punk-rock, je fatigue trop vite. On ne peut pas faire semblant d’être jeune, je vois parfaitement que la musique s’amollit. J’écoute moins de punk-rock qu’il y a quelques années, je me tourne vers des gens comme ce bon vieux Leo (il montre une photo de Leonard Cohen)?
Ça ne vous dérangeait pas, plus jeunes, de voir vos groupes favoris vieillir et décrépir sous vos yeux ?
J ? Des fois, j’aurais voulu les abattre avant qu’ils ne deviennent des croulants. Il y a quelques mois, je suis allé voir les Rolling Stones à Amsterdam, j’y suis allé exprès en avion. J’ai trouvé ça bien. Les plus gênants, ce sont ceux qui refusent de vieillir, qui continuent à jouer les jeunes. Ils courent après les wagons, passent pour des cons. Même nous, ça nous est arrivé de passer pour des crétins. La première fois, c’était à l’école. Le professeur avait dit Surtout, si vous avez une question, n’ayez pas honte de lever la main.? Moi, je ne comprenais rien, mais je n’ai jamais voulu lever la main, je ne voulais pas que les autres sentent que j’étais largué. Et ça continue avec Dinosaur Jr.
D’où venait ce tranchant original que vous pensez avoir perdu ?
De la frustration sexuelle. Quand tu es adolescent, ton corps continue à évoluer, tu es harcelé par les hormones, elles attaquent le cerveau. Alors, pour nous défouler, nous avons formé ce groupe. C’était le seul moyen de tuer l’ennui. Je n’avais rien d’autre à faire, il me fallait une raison de bouger un peu.
Ce nom, Dinosaur, était-il une façon de vous moquer des dinosaures du rock qui commençaient à repointer leur nez ?
Il n’y avait aucune raison de choisir ce nom. Le mot me faisait rire, c’est tout. Mais nous avons vite dû le changer, il existait en Californie un groupe de vieux qui s’appelaient comme ça. C’était des anciens membres de Jefferson Airplane et Quicksilver, ils jouaient tous les week-ends. Un de ces cons-là était devenu avocat, il voulait nous poursuivre. Alors, pour rigoler, nous avons rajouté Junior à la fin du nom. Ils l’ont pris pour un compliment, un hommage, comme si nous étions leur succession.
Aviez-vous la moindre ambition, le moindre but ?
Je n’en avais qu’une seule : signer un jour avec le label sst. C’était mon label préféré, tous les disques que j’aimais sortaient chez eux, Black Flag, Meat Puppets’ Et puis, un jour, nous avons signé avec sst et là, je me suis retrouvé sans la moindre ambition. Nous avons alors commencé à gâcher notre temps, nous ne nous étions pas préparés à cette vie. Je n’avais rien prévu d’autre, je n’avais jamais envisagé sortir autant de disques, avoir autant de succès’ Ce n’est même pas l’ambition qui me poussait dans le dos, mais une force incontrôlable. J’avais besoin de faire ça.
J’étais toujours étudiant, je vivais à la maison, à Almherst. C’était une petite ville, pleine d’étudiants et de libéraux. Moi, je ne voulais rien avoir à faire avec tous ces connards d’étudiants, je ne me mélangeais pas avec eux. Eux, ils étaient là en transit, ils se préparaient sérieusement à la vie d’adulte, cherchaient une femme ou un mari. Moi, j’étais un local, un sédentaire et eux, ils étaient des nomades. Nous n’avions donc rien en commun. Je haïssais aller à l’université. Voir tous ces cons, c’était un supplice. Mais je n’avais pas assez d’énergie pour me révolter vraiment.
La ville d’à côté, Northampton, était la capitale mondiale des lesbiennes. Il n’y avait que des filles à l’université, tout est parti de là. Quand j’étais gosse, elles me foutaient la trouille, ça me faisait flipper de voir des filles se rouler des pelles dans l’autobus (rires)? Elles sont très militantes, détestent les hommes. Elles font des graffiti partout, Seul un homme mort ne peut pas vous violer , Les hommes dehors’?
Je voyais ça tous les jours en allant à l’école. Elles veulent que Northampton soit interdit aux hommes. Aujourd’hui, je les trouve pathétiques mais à l’époque, j’étais effrayé. Je ne m approchais jamais d’elles, j’avais peur qu’elles me cognent. Je me souviens d’un jour affreux : pour me faire de l’argent, je venais de commencer un boulot dans une station-service. La première voiture arrive, c’était deux lesbiennes avec des gosses. Ça, c’est typique de Northampton : les lesbiennes s’arrangeaient pour sympathiser avec des femmes mariées, faisaient tout pour les dégoûter de leurs maris, leur disaient que les hommes étaient des salauds et ensuite, elles devenaient leurs maîtresses. Là, ça se voyait qu’une des deux venait de plaquer son mari et avait embarqué la marmaille, elle venait d’être convaincue qu’il valait mieux être lesbienne qu’hétéro. Et moi, j’avais une trouille bleue et je me trompe de réservoir ! Je verse l’essence dans le radiateur (rires)? Elles m ont torturé pendant deux heures, Les hommes, vous n’êtes que des bons à rien, on serait mieux sans vous’ (rires)? C’est pour ça que j’ai viré notre bassiste. Ce connard ne s’intéressait qu’aux filles, c’était une lesbienne (rires)?
Etiez-vous, toi et Murph, les seuls punks de l’université ?
Il n’y avait que nous deux à l’époque. Aujourd’hui, tous les gamins sont skinheads, mohicans ou skate-punks là-bas. On trouvait tous les autres ringards et cons, il fallait donc se démarquer. Mes seuls copains, les seules personnes avec qui je pouvais parler, les seuls qui ne me trouvaient pas bizarre, étaient les punks. Et effectivement, je devais être bizarre. Je n’avais jamais voulu être comme tout le monde, planifier ma vie, je ne pensais qu’à faire des conneries. Notre ville est peuplée d’intellectuels, ils vivent à travers les livres qu’ils lisent. Ils ne font rien de concret, ils passent leur vie à imaginer, ils ne voient jamais la réalité.
Tu n’as jamais eu envie de les imiter ?
A l’école, on m a forcé à lire. C’était horrible. Ils ont essayé de me gaver de force, j’ai tout recraché en bloc. Pour moi, lire est une chose que l’on ne fait que si l’on est forcé.
M ? Mes parents étaient très académiques, mon père était professeur.
Je me suis vite rebellé contre ça. J’ai raté toutes mes études, pour ne pas leur ressembler.
La drogue était-elle un des éléments qui vous démarquaient des autres étudiants ?
Ça, oui, aucun doute possible (fou rire)? J’étais très fier d’être complètement accro, je me vantais des quantités de drogues que je pouvais absorber, j’adorais me défoncer. Ça a arrêté d’être drôle le jour où je me suis retrouvé en cure de désintoxication (rires)? Là, j’ai moins rigolé, ils ont essayé de me faire voir la réalité de la vie. Mais c’était quand même le bon temps : je n’avais rien à faire de mes journées, je ne bougeais pas le petit doigt. On pensait, on cuisinait et on travaillait pour moi. Les psychiatres me parlaient toute la journée, me racontaient leurs problèmes. L’inconvénient, tout comme la prison, c’est que tu deviens totalement dépendant de l’institution. Et quand tu en ressors, ils t ont tellement materné que tu es incapable de vivre seul, tu ne fonctionnes plus. Mes parents m y avaient envoyé de force, je ne foutais rien à l’école, je leur piquais de l’argent et je volais sans arrêt la voiture. En plus d’être un rebel without a cause , j’étais un rebel without a car (rires)? J’étais sur la voie de la délinquance, ils ont voulu me sortir de ce mauvais pas. Pourtant, les drogues étaient ce qui m intéressait le plus dans le mouvement punk, beaucoup plus que la musique.
C’est surtout Jay qui s’intéressait aux disques.
J ? Mon premier groupe chéri, c’était Eater. Ensuite, je me suis intéressé aux groupes hardcore qui se formaient un peu partout aux Etats-Unis. Et puis, il y avait aussi la scène oï anglaise, des groupes comme Blitz, Discharge, Four Skins. Je préférais largement Eater aux Sex Pistols, que je trouvais trop vieux. J’écoutais aussi beaucoup Black Sabbath et les Ramones. Black Sabbath, je les adore. Eux, au moins, ils avaient des couilles. En 77, ils jouaient beaucoup plus vite que les Pistols, ils étaient les meilleurs. Pour moi, ils étaient le groupe ultime. J’avais les cheveux longs, mon père était furieux contre moi. Alors, un jour, je les ai complètement rasés, je suis devenu un skinhead. Je m’en souviens très bien, ça a fait pleurer ma mère (rires)? Ils m ont forcé à les laisser repousser et là, ils ont continué à gueuler, cette fois-ci, ils voulaient que je me peigne (rires)? Donc, pour résumer, ça a été : Coupe tes cheveux , Fais repousser tes cheveux et Coiffe-toi (rires)? Et aujourd’hui, nous en sommes revenus à Coupe tes cheveux .
Etes-vous restés fidèles à cette scène hardcore dont vous êtes originaires ?
La scène n’existe plus, elle a explosé il y a des années. Les seuls rescapés, ce sont Fugazi et peut-être Henry Rollins. Les Butthole Surfers et Sonic Youth ont trop tourné, ils se sont vidés. Et puis, de toute façon, ils ont toujours été trop vieux On me dit que nous avons influencé beaucoup de groupes en Angleterre, mais je n’arrive pas à entendre Dinosaur dans ce que j’entends. A part chez My Bloody Valentine. C’est d’ailleurs assez drôle : la majorité des groupes américains font tout pour ressembler à des Anglais et les Anglais, eux, s’habillent comme des gosses américains.
Votre choix de reprises est plutôt déroutant : Peter Frampton, The Cure, Bowie
La reprise de Peter Frampton, c’est la pire chose que nous ayons jamais enregistrée. Just like heaven, de Cure, était le seul morceau d’eux que je pouvais supporter. Quand j’étais plus jeune, j’étais coiffé exactement comme Robert Smith. J’aimais bien leurs mélodies mais sa dégaine, tout ce maquillage, ça m’exaspérait. Par contre, je tenais à reprendre le Quicksand de Bowie. C’est la chanson que j’écoutais dans ma voiture quand j’ai eu un terrible accident. Une grosse bagnole nous est rentrée dedans, a complètement détruit la mienne. Cette reprise, c’est un hommage à ma voiture disparue.
Pour beaucoup de gens, le punk était un moyen de rejoindre un mouvement, de se mélanger enfin avec d’autres personnes. Etait-ce votre cas ?
Pas pour moi. Je détestais cet aspect du mouvement. Le gros porc de l’école, celui à qui personne ne voulait parler parce qu’il était obèse, s’imaginait qu’il se ferait des copains en devenant punk. C’était sa seule chance. Tous ces connards qui n’avaient jamais été foutus d’avoir le moindre ami devenaient punks, c’était le club des losers. Moi, je les rembarrais, je ne voulais pas me mélanger avec ça. J’étais trop occupé avec moi-même pour pouvoir consacrer du temps aux autres. J’étais complètement isolé, mais je n’avais pas le choix. Je pensais que tout le monde se sentait seul, je n’avais donc pas le moindre chagrin.
M ? Moi, je n’étais pas du tout isolé. A vrai dire, je me sens beaucoup plus seul aujourd’hui. A l’époque, j’avais plein de copains, j’étais très populaire, j’étais invité partout, avec tous mes potes camés. Je n’aurais jamais dû arrêter de prendre de la drogue. Par contre, j’étais complètement coupé de la réalité, de la vraie vie ? Les études, les gosses, le boulot, tout ça me passait totalement au-dessus. Je détestais la société et ses règles.
Même le sport ne vous rapprochait pas des autres adolescents ?
Je me suis rebellé très tôt contre le sport. Je haïssais ces connards de sportifs, ces tas de muscles. Ils étaient obsédés par le sport, sexistes comme pas deux, de vrais crétins.
J – Moi, j’aimais bien jouer au base-ball. J’ai aussi fait partie de l’équipe de ski de l’université. Je faisais du slalom, mais j’étais une brêle. Je ne supportais pas la compétition. Et puis, une fois, en faisant du ski de fond, je me suis fait charger par un taureau. J’ai alors arrêté. Mais j’ai quand même mon diplôme à la maison, une connerie que m avait donnée l’université.
Avais-tu beaucoup de hobbies ou étais-tu trop léthargique ?
Je passais ma vie derrière ma batterie, je répétais en permanence.
Je n’attendais rien de la vie. Tout ce que je demandais, c’est qu’on me laisse cogner sur mes fûts. Rien d’autre ne m intéressait.
M ? Il n’y avait que la musique qui comptait pour moi. Je passais ma vie à en écouter, à collectionner les disques. Je ne voyais que deux voies possibles : la musique ou la psychologie. Ça, ça m intéressait. Jusqu’à ce que j’aille en cure de désintoxication et là, je me suis rendu compte que c’était un boulot à la con, qu’il fallait parler toute la journée à des paumés.
Vos professeurs essayaient-ils de vous raisonner ?
J ? Les profs de Almherst sont les plus grands libéraux du monde.
Ils veulent absolument te comprendre, t’aider. S’ils me surprenaient en train de faire un graffiti sur un mur de l’école, ils ne m’engueulaient jamais. Ils me disaient Bon, il faut que nous parlions des raisons qui t ont poussé à ce geste. Pourquoi te conduis-tu ainsi, tu as des problèmes avec tes parents ?? (Rires)? Moi, tout ce que je demandais, c’était d’être puni quand je faisais une connerie. Je ne voulais pas recevoir de cours de psychologie, chercher des raisons. Ils étaient épuisants, j’aurais encore préféré être puni qu’avoir à réfléchir.
M ? J’étais un fou furieux, un vrai rebelle, je ne faisais que des bêtises. Un jour, j’étais collé à l’école et j’ai demandé au surveillant si je pouvais sortir une seconde pour boire de l’eau. Dans la cour, j’ai embarqué deux copains et nous sommes partis en ville nous défoncer. Je suis revenu trois heures plus tard complètement raide, hilare face au proviseur.
J ? Tu te souviens de la fois où tu as tiré sur des gens dans la rue ?
M ? Ça, je m’en souviens (rires)? Avec un pote, nous avions chargé une carabine à blanc et nous avons poursuivi un couple dans la rue.
On leur tirait dessus, ils couraient comme des lapins, cherchant désespérément un endroit où se cacher. On était complètement raides, morts de rire (rires)? J’étais défoncé en permanence, mes copains étaient tous comme moi, je connaissais tous les tarés de la ville.
Tu as dit un jour que ta seule ambition était de ne pas avoir d’ambition.
J ? Je ne l’ai jamais dit. C’est la spécialité de la presse anglaise que de me faire dire n’importe quoi. Moi, je voudrais bien être heureux en permanence, ne rien avoir à faire, croire en quelque chose. Tout ce que je voulais, c’était ne pas trouver de travail. Seul le rock’n’roll m intéressait. Je savais que je ne pourrais jamais avoir un vrai emploi. J’avais essayé plein de petits boulots, ils me dégoûtaient tous. Les études mal parties, il ne me restait plus d’autre voie que la musique. Ça me rappelle un souvenir douloureux J’avais une vieille voisine quand j’étais gosse. Un jour, elle m a demandé de tondre son gazon pendant qu’elle partait en vacances et de lui dire en rentrant combien de fois j’étais venu pour me payer. Je n’y suis allé qu’une fois, j’ai tondu la moitié de son jardin et je suis rentré chez moi, j’en avais marre. Et quand elle est rentrée, je lui ai dit que j’étais venu trois fois. Elle savait que je mentais mais elle m a quand même donné l’argent. C’est un énorme poids sur ma conscience. Aujourd’hui que je gagne
un peu d’argent, je pourrais la rembourser, mais ça ne changerait rien à mes remords. Ça me hante toujours aujourd’hui, la pauvre vieille (rires)?
Cherchais-tu, avec ce groupe, de continuer de gagner du temps, de repousser au plus tard l’échéance de la vie adulte, du travail ?
C’est exactement ça. C’est la raison pour laquelle j’ai suivi d’interminables études, pour repousser la réalité le plus loin possible. J’ai choisi de faire des études médias et communications’, c’était le sujet le plus facile. C’est un grand mot qui ne veut rien dire du tout,
je n’allais jamais aux cours. La seule matière qui m intéressait, c’était le cours sur l’Holocauste. Il y avait plusieurs intervenants extérieurs, dont un ancien SS et un ancien prisonnier de guerre juif qui avait réussi à s’échapper d’un camp de concentration. L’Allemand était toujours impeccable mais le juif était mal en point, je me souviens qu’il tremblait beaucoup. Un des profs venait de sortir un livre sur le sujet, un best-seller. Il était le spécialiste américain de l’Holocauste. Toutes ces interventions étaient passionnantes.
J’ai deux grandes s’urs. Une a dix ans de plus que moi et pourtant, elle habite toujours à la maison. Moi aussi, d’ailleurs. Je finis toujours par y revenir. Je ne pourrais pas y habiter en permanence mais là, ça va.
J’y reviens entre les tournées, entre deux voyages. Comme ça, je n’ai pas à m inquiéter pour mes affaires, je n’ai rien à payer. Si j’avais un appartement, je sais que je me ferais tout voler. C’est parfois un problème d’habiter avec mon père et ma s’ur, mais ça a au moins l’avantage d’être sûr et pas cher.
Ton père est dentiste.
Et comme tu peux le constater, il ne s’est jamais occupé de mes dents. Lui n’a jamais voulu me soigner parce que je suis son fils et aucun autre dentiste ne veut me recevoir parce que je suis un fils de collègue. C’est un gros problème, mes dents s’abîment à toute vitesse. Il faut dire que
je ne m’en occupe pas beaucoup. Aujourd’hui, il ne se plaint plus de moi, il est content de notre succès. Il a été pris en photo dans le journal Sounds, il en profite pour draguer Il traîne avec des femmes complètement tarées, une danseuse du ventre (rires)?
Tu n’as jamais été tenté de quitter le bercail, de prendre tes responsabilités, de t intéresser au monde ?
Tous les grands problèmes du monde, j’y ai réfléchi quand j’avais 5 ans. Mais depuis, je n’y ai plus jamais repensé. De toute façon, que je me soucie du monde ou pas ne changera rien à sa décadence. Le monde, je le vois à la télé, je sais s’il y a des catastrophes, qui baise qui. Ça me suffit.
Toutes tes chansons sont à ton sujet. Es-tu la seule personne qui compte à tes yeux ?
(Rires)? Ouh ouh, ça devient méchant. Tu n’en sais rien, peut-être que j’écris à ton sujet.
Et l’amour, tu n’en parles jamais.
Love ? Mais j’adore Love, c’est un de mes groupes préférés (rires)? Je ne sais pas ce que c’est, l’amour. Tel que je le vois dans les films, à la télé, je ne l’ai jamais rencontré. Mais si tu peux me trouver une petite Française, une âme s’ur, je suis preneur. A part ça, tout ce que je veux, c’est un chien.
Tu ne lis pas, ne t intéresses pas vraiment à l’extérieur. Où trouves-tu l’inspiration pour les paroles ?
Je déteste écrire, je dois me forcer. C’est vraiment parce que je ne veux pas sortir de disques instrumentaux que j’écris des paroles. Je n’écoute jamais ce que racontent les chanteurs sur les disques, ça ne m intéresse pas. Je ne supporte pas cette conscience sociale, c’est grotesque. Quand j’entends des types comme Bono, ça me rend malade. Surtout quand tu le vois embrasser des bébés, raconter la vie de Jésus.
Tu pourrais, un jour, devenir militant, jouer pour une cause ?
M ? On a failli jouer dans un grand festival contre le nucléaire à Boston récemment.
J ? Ah bon ? Je croyais que c’était contre le viol. De toute façon, tout ça, c’est kif-kif mouscaille.
Tu as dit un jour que tu préférais les gens d’extrême-droite à ceux de gauche, qu’ils te faisaient plus rire.
Je préfère nettement la compagnie des gens d’extrême-droite, c’est vrai. Ils ont du style, ils ont de l’argent, ils sont faciles à vivre. Ce sont mes amis (sourire débile)?
JD Beauvallet
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