Fugueur de l’école Deus, Zita Swoon en conserve un goût séduisant pour une pop aussi charnelle que cérébrale. Littéralement : “Je peins des images sur une robe de mariage.” Une introduction idéale à ce nouvel album de Stef Kamil Carlens, évadé de Deus, eux-mêmes évadés du rock. Car peindre minutieusement sur le tulle, suggérer des […]
Fugueur de l’école Deus, Zita Swoon en conserve un goût séduisant pour une pop aussi charnelle que cérébrale.
Littéralement : « Je peins des images sur une robe de mariage. » Une introduction idéale à ce nouvel album de Stef Kamil Carlens, évadé de Deus, eux-mêmes évadés du rock. Car peindre minutieusement sur le tulle, suggérer des images sur une matière particulièrement flottante, ces Belges ne font que ça sur ce second album après leur Music inspired by Sunrise de 97, parenthèse composée sous l’influence de Murnau et de substances moins légales. Attention, on a parlé de minutie, de patientes superpositions de teintes et de matières, surtout pas de chichiteuses prouesses soniques, d’exposé frimeur. Car l’école Deus, Anvers, est spécialisée dans le sport/études. Et même fugueur du noble établissement, Stef n’a pas oublié que le rock pouvait se jouer uniquement avec la matière grise, ou à l’inverse uniquement avec les tripes, mais qu’il était tout de même plus excitant et plus risqué de s’imposer chef d’orchestre d’une chorale où cervelle, muscle, sueur, viscères, sens et nerfs ont chacun droit au chapitre, en même temps.
Là où de brillants Américains, comme Ween ou Soul Coughing, laissent cette armée de possibilités sans discipline, ouverte à toutes les alliances, Zita Swoon donne des ordres, interdit la cacophonie. Mais sous ces allures d’unisson, personne n’obéit vraiment : tous les ingrédients de I paint pictures on a wedding dress ont beau marcher en rang, il avance de traviole, accélère et ralentit dans le dos du bon sens. Des cheveux dépassent, la logique trépasse. On n’écoute pas Tom Waits, Captain Beefheart ou Jeff Buckley (auquel est rendu un hommage troublant sur Song for a dead singer) pour ensuite marcher au pas de l’oie. C’est plutôt celui du vilain canard qu’emprunte Zita Swoon, incapable de circonscrire la pop-music à ses instruments de base, mais en y rajoutant des instruments de fantaisie pas du tout militaire : clarinette, contrebasse, steel-guitar ou un invraisemblable charivari de percussions. Mais comme sur le nouveau Tom Waits, cet arsenal ne tape jamais à l’aveuglette, restant au service précis de mélodies qui peuvent largement s’offrir ces petits dérèglements. Surtout quand elles sont à ce point gâtées par des arrangements à fort QI et par la voix de Stef, grande découverte de cet album. Il faut ainsi l’entendre susurrer About the successful emotional recovery of a gal named Maria, avec le timbre sexy et intime que l’on cherchait en vain depuis le Bowie minaudier de Silly boy blue. C’est dans ce registre trembloté, sur ces chansons où la voix s’invite sur la pointe des pieds, que Zita Swoon séduit. Bien plus que sur quelques titres où la voix, encouragée par des mélodies soudain raisonnables, prend une assurance qui rompt le charme. En tout cas, I paint pictures on a wedding dress révèle une personnalité que l’on n’avait qu’entraperçue chez Moondog Jr, précédente incarnation de Zita Swoon. Puissent d’autres peintres du dimanche aussi intrigants ainsi naître de la cuisse de Deus.