Si l’on jette un rapide coup d’œil sur son parcours récent, on s’aperçoit qu’il n’aura fallu finalement à Jimi Tenor que trois disques insituables et somptueusement bricolés (Europa en 95, puis Intervision en 1997 et Organism, deux ans plus tard), accommodés d’une série d’interviews piégées, pour réussir au-delà de toute espérance à imposer cette image de mystificateur […]
Si l’on jette un rapide coup d’œil sur son parcours récent, on s’aperçoit qu’il n’aura fallu finalement à Jimi Tenor que trois disques insituables et somptueusement bricolés (Europa en 95, puis Intervision en 1997 et Organism, deux ans plus tard), accommodés d’une série d’interviews piégées, pour réussir au-delà de toute espérance à imposer cette image de mystificateur de génie jouant les intellos désabusés pour donner le change. Avec son nouveau disque Out of nowhere, Tenor, persiste dans sa façon sarcastique de reprendre à son compte tous les poncifs cyniques de la pop star dédaigneuse. Il a beau prendre les devants et s’en défendre a priori, ce nouveau disque sonne bien « plus sérieux » que les précédents. Car si Out of nowhere reprend sensiblement les mêmes techniques de composition par strates qu’Organism, la même esthétique de collage généralisé sur une base résolument funk, les éléments convoqués et manipulés se sont encore diversifiés et le résultat final, par sa beauté monstrueuse, trahit cette fois son ambition. Trop riche. Trop complexe. Un rien boursouflé même par instants. Indéniablement le dosage n’est pas aussi fin et précis que précédemment entre pop-songs futées à la légèreté désinvolte et expérimentations formalistes forcenée. Et même si la profonde originalité de la musique de Tenor se révèle totalement dans ce disque débordant de matières précieuses, sa réussite esthétique marque aussi sa limite stratégique. Car le résultat tangible c’est que pour la première fois le masque se lézarde laissant apparaître Tenor pour ce qu’il est réellement : un terroriste utilisant les codes de la pop-culture pour mieux les détourner, les piéger, subvertir de l’intérieur les cadres dans lesquels il s’inscrit.