Bristol, son vague à l’âme, son goût des mélanges… Movietone n’échappe pas à la règle, mélangeant le meilleur de Phil Spector au son pourri qui hante les sous-sols de la ville mais pas du côté des boîtes de nuit. Mat Jones de Crescent vient avec ses disques de Sun Râ sous le bras, Rachel […]
Bristol, son vague à l’âme, son goût des mélanges… Movietone n’échappe pas à la règle, mélangeant le meilleur de Phil Spector au son pourri qui hante les sous-sols de la ville mais pas du côté des boîtes de nuit. Mat Jones de Crescent vient avec ses disques de Sun Râ sous le bras, Rachel Brook de Flying Saucer apporte la clarinette et Mat Eliot de Third Eye Foundation le vice. Eux qui ont l’art du son mais pas celui de la chansonnette agglutinent leurs compétences autour d’une voix : celle de Kate Wright, qui dépose des fleurs devant la statue d’Astrud Gilberto, qui fuit le micro et parle à son ventre. A chaque fois qu’un filet de voix sort d’elle, on sent les obstacles qu’il a dû contourner le long du chemin qui va du coeur aux lèvres. On sait maintenant qu’elle chante la ville qui détruit l’homme et la femme , qu’elle décrit des paysages et des gens. Les guitares ont été bridées et c’est un perpétuel croisement entre des acoustiques aux origines diverses qui fait prendre la sauce. Movietone réussit d’abord l’impensable : faire germer la bossa-nova par – 10° C au soleil. C’est leur Useless landscape, sec comme un coup de trique, qui tisse une toile d’arpèges jusqu’au crescendo final, retenu et superbe. Les pieds bien plantés sur le sol gelé, Movietone reprend son acoustique de banquise tropicale sur Blank like snow. Kate Wright se transforme en fumigène féminin et puis sa voix s’envole imperceptiblement. On se croirait dans ces moments où on ne parvient plus à avoir une idée du temps qui passe, parce que le sommeil se refuse à nous et qu’on écarquille les yeux dans le noir. On pense alors que la musique de Movietone est aussi essentielle que celle de Smog ou Labradford, que seuls Talk Talk, Gastr Del Sol ou les premiers Bark Psychosis ont pu tenir les mêmes longueurs avec autant de talent. Enfin, Crystallisation of salt at night achève de retenir la nuit et clôt l’album dans le vague. Ça s’éternise sur des percussions lacustres pendant qu’un piano déjà entendu chez John Cage égrène des gouttes de pluie. L’album est fini, la nuit aussi et on se sent bien seul. Parce que les chansons de Movietone sonnent comme des confidences sur l’oreiller et sentent la cigarette ; c’est leur façon à eux de nous montrer que les choses essentielles se disent en silence.
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