On les croyait définitivement mis au placard, mais les écrans publicitaires LCD reviennent fleurir le métro parisien. La CNIL a rendu un avis favorable sur la question. Mais les associations antipub craignent toujours les dérives de ce genre d’outil.
Métro, boulot… promo. Depuis un mois, Metrobus s’est remis à installer des écrans publicitaires LCD dans les stations du métro parisien. Sur les écrans allumés, on peut voir tourner en boucle, les publicités de quatre annonceurs différents, spot vidéo ou affiches animées.
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Fin 2008, la RATP avait commencé à s’équiper de ces placards publicitaires high-tech. Les écrans LCD intégraient des capteurs censés compter le nombre de passant qui les regardent et repérer où se pose le regard. Les associations antipub étaient alors montées au créneau dénonçant des écrans publicitaires « espions ». Ainsi qu’un système de transmission bluetooth susceptible d’envoyer des messages publicitaires sur les mobiles des passants.
Sous la pression de Résistance à l’agression publicitaire, Souriez vous êtes filmés, Big Brother Awards, Robin des toits et Le Publiphobe, la RATP décide de débrancher les écrans. En avril 2009, les associations assignent Metrobus et la RATP en justice, mais le tribunal rejette leur demande d’expertise.
« Les données ainsi collectées sont des données à caractère personnel dans la mesure où elles peuvent permettre d’identifier une personne », affirme la CNIL, mais elle assure que ces données sont rendues anonymes « à très bref délai ». Et se réserve le droit d’effectuer des contrôles, notamment pour vérifier l’anonymat des données. Seul point à corriger en fait : Metrobus devra informer plus clairement le public.
« Le numérique véhicule des fantasmes »
Aujourd’hui, il n’y a toujours aucun écriteau explicatif à côté des écrans. Et pour cause, « si les capteurs étaient allumés, on informerait le public », justifie Norbert Maire, directeur de l’innovation pour Metrobus. Pour l’instant, on a décidé de ne pas activer tout ce qui permet de mesurer l’audience. » C’est-à-dire, les capteurs optiques prévus au départ du projet.
« La confusion vient de tous les fantasmes véhiculés par le numérique. Il y a des caméras partout dans le métro, et ce ne sont pas celles de nos écrans. Nous n’aurions d’ailleurs aucun intérêt à en mettre. Ce que demandent les annonceurs, ce sont des données précises : par exemple, savoir l’impact d’une publicité sur les femmes de 25 à 30 ans habitant dans la petite couronne. Et ça, on ne pourrait de toute façon pas leur fournir. »
Pour Metrobus, l’avantage des écrans réside dans « la souplesse » pour les annonceurs. Qui permet par exemple de découper l’offre suivant les moments de la journée : « business », correspondant aux heures de déplacement des salariés, « loisir », le soir, et « grande consommation », le reste de la journée.
Mais Metrobus ne cache pas qu’à terme, il mettra en place « ces petits yeux ». Sauf, que Norbert Maire explique qu’il s’agit seulement d’un outil de comptage, et non d’une caméra capable d’établir le profil des gens qui passent devant l’écran. « Ce capteur permettrait un traitement informatique qui tranforme en statistiques le fait que vous soyez devant l’écran et tourné vers lui. »
Quant aux publicités ciblées qui devaient être envoyées par bluetooth sur les mobiles des passants, le projet n’a finalement pas été mis en place, « la technique n’intéresse plus les annonceurs. Mais de toute manière, se défend Norbert Maire, il aurait fallu coller son portable à l’écran – donc que le public soit consentant comme l’exige la loi- pour qu’il se passe quelque chose. »
Les associations très dubitatives
Jamais consultées, les associations doutent encore de la bonne foi de Metrobus. Etienne Cendrier, le porte-parole de l’association Robin des Toits reproche un « manque de transparence » de Metrobus et de la RATP depuis le début. « Ils ont toujours refusé de nous communiquer le dossier du projet », déplore-t-il.
Pour cause de « secret industriel », justifie Norbert Maire. Il y a des technologies innovantes qui valent de l’argent dans nos écrans. »
Pour Alexandre Baret, de Résistance à l’agression publicitaire, « l’argument du secret industriel ne peut pas tenir face à de tels enjeux de civilisations. » Et il explique ce qui lui permet de douter des déclarations de Metrobus. C’est la société Majority Report – au nom évocateur – qui conçoit les capteurs utilisés sur les écrans. « Cette entreprise utilise le fait que ses capteurs permettent de mieux cibler les consommateurs comme argument de vente. » Ce qui contredirait les déclarations faites par Norbert Maire.
« Peut-être, se défend ce dernier, mais ces technologies ne sont pas dans nos écrans, et ce ne serait de toute façon toujours pas suffisant pour faire du media planning. De toute façon, il y a un problème de fond entre les antipub et nous. Eux trouvent qu’il y a trop de pub, et nous, notre métier, c’est de valoriser la pub… C’est leur parole contre la nôtre. Sauf que les écrans ont été expertisés et que la CNIL nous a donné raison. »
D’ici à la mi-août, Metrobus aura installé 300 écrans. Puis une centaine supplémentaire devrait venir compléter le dispositif d’ici la fin de l’année. « L’attrait de la nouveauté suffit pour le moment pour commercialiser les espaces publicitaires sans fournir de mesure d’audience aux annonceurs. Mais on se réserve la possibilité de mettre des capteurs sur les écrans. » Vu la pugnacité des associations antipub, « ni en 2010, ni même en 2011. Il faudra que les mentalités évoluent. »
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