ANNE-MARIE SCHNEIDER Petites familles, à Paris.
Discrète dans la réalité, Anne-Marie Schneider devient excessive et énervée sur le papier. Portrait éclaté d’une artiste aux multiples facettes.
« Le dessin arrive plus vite que les mots. Et puis j’ai remarqué que quand on lit l’ensemble de l’ uvre d’un romancier, on a l’impression qu’il utilise toujours les mêmes mots. Quand les mots reviennent, c’est énervant. Avec le dessin, il n’y a pas ce problème de vocabulaire. »
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Anne-Marie Schneider, à 37 ans, dessine quotidiennement comme un écrivain se livre chaque jour à l’écriture. « Ça va très vite, dès que je commence à dessiner, il y a toujours une idée qui arrive, c’est semi-automatique. Je suis entrée aux Beaux-Arts de Paris à 23 ans, parce que je voulais dessiner. Avant, je faisais du violon, j’ai même eu un prix, mais j’ai arrêté du jour au lendemain, car le fait d’interpréter ne me suffisait pas. Aux Beaux-Arts, j’ai fait beaucoup de morphologie. C’est pour cela qu’aujourd’hui j’ai une telle liberté. J’ai l’impression que je peux mettre un corps dans toutes les positions possibles. »
Parmi les nombreux dessins épinglés sur les murs de la galerie, pris au hasard : un homme en train de déféquer, un autre en train d’éternuer, un dernier, la tête élastique posée sur les barreaux d’une échelle… Tracés à la plume, à l’encre de Chine, les contours sont simples et délicats à la fois. Tout comme pour la technique, quand il s’agit du contenu, elle ne se refuse rien. « Le dessin, c’est une réaction physique. Je ressens de la souffrance, alors je dessine. Pour la dernière Documenta, j’ai fait une pièce à partir des réfugiés de l’église Saint-Bernard. Comme je ne pouvais pas aller sur les lieux je n’aime pas être dans la foule , j’ai lu le journal, j’ai regardé la télé pour avoir des images. Je réagis comme ça. » Un paradoxe de sensibilité et d’engagement : alerte sur les événements, elle ne peut y participer ni même y assister véritablement, trop lourd à supporter. Alors, elle réagit de chez elle, par média interposé. Avec ses dessins. Technique rudimentaire, mais efficace. « Je fais du dessin et je m’en fiche si ce n’est pas spectaculaire. C’est le contenu qui m’intéresse, pas les fioritures. » Là, sur la feuille blanche, elle affiche une féminité déchirée entre un désir de carrière professionnelle et des aspirations qu’elle estime naturelles comme la maternité ou la vie familiale. Dans son univers, rien ne bascule ni ne tourne au tragique, il n’y a que des moments de frictions auxquels succèdent des moments de bonheur. Un baiser n’est plus un simple baiser, mais une épreuve, un rapport de force entre deux langues qui, au bout du compte, finit bien, car comme elle nous le fait remarquer au cours de la visite de l’exposition, « Tout va bien car après ces deux personnes se baladent ensemble pour promener le chien. »
A la galerie Nelson, Anne-Marie Schneider présente donc ses Petites familles, un ensemble de dessins qui prend l’allure d’un portrait éclaté d’une artiste aux multiples facettes : celle d’une féminité enfantine pour le trait et l’allure de ses personnages. Maternelle et captivante, quand dans son film super-8, d’images d’animations en scènes de marché, elle nous convie à une lente dérive dans un univers sans histoire, pourtant chargé d’émotions. Enfin, rebelle et révoltée quand elle passe à la sculpture : deux globes blancs chapeautés de débouche-lavabos, symbole arrogant et désuet d’une poitrine. « C’est un travail de longue haleine, il y a des choses qui existent et que je ne montre pas encore parce que je n’ose pas. »
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