Onzième jour du journal déprimé d’un de nos envoyés très spéciaux au festival de Cannes. Il souffre mais ne se rend pas compte que le retour dans l’enfer de sa rédaction parisienne est pour bientôt.
Après deux petites heures de sommeil, je vais voir le Haneke, entre JFR tout de noir vêtu et Jean-Mimi. Au bout de vingt minutes, c’est plus fort que nous, on se met à déconner avec Jean-François, jusqu’à ce que Jean-Mimi nous réprimande : Allez, allez, ça suffit, y sont gamins alors !? Vexés, on boude chacun dans notre coin, un prof à côté et un autre sur l’écran, et on se déchaîne à la sortie, genre Diabolo et Satanas, je fais Diabolo. Mais on ne siffle pas, c’est vulgaire. Kagan, comme d’hab , ne s’est pas réveillé.
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C’est l’émeute au Andersson devant la salle Bazin. On entre mais y a plus de places. On croise Mike C. qui nous dit que ses amis lui ont gardé une place mais que nous on a pas d’amis, fou à lier, redevenu normal donc. Après, on va glander à la terrasse Un Certain Regard. Que c’est bon de glander Kagan a l’air un peu chiffonné. On entre à la projo suivante, salle bondée et gros rires gras, ce film est nul et ces gens m énervent, comme je m étais assuré que Olive reste, je me tire au bout de quinze minutes, quinze minutes de trop. Et vais déjeuner sur la terrasse UCR. Alain Riou me présente Didier Haudepin qui lève un sourcil intéressé. Ah oui, j’ai dû lui péter un film dans Libé, il y a longtemps. Pour me faire pardonner, lui montrer que je lui en veux pas, je lui tape une clope.
Kagan est un peu nerveux, Azou lui laisse des messages fumasses à propos du papier sur le Oshima qu’il a fait et qui ne passera pas parce que Kagan l’a fait aussi et l’a envoyé avant Azou, et qu’Azou a attendu le vendredi pour nous dire qu’il ne sait pas envoyer un mail et que Fevret attend ses papiers et qu’il est pas content, Fevret, et Azou non plus, et Kagan non plus, qui est pourtant gentil comme garçon. Embrouilles. Faudrait pas qu’il oublie que c’est quand même moi qui lui ai présenté Yves Adrien !? dit Kagan. Bon. Riou et Haudepin nous rejoignent, je dis à Haudepin qu’il est le premier cinéaste auquel j’ai serré la main, à l’occasion de l’émission de Pierre Tchernia Mardi Cinéma, il y a pas loin de vingt ans. Avec Claude Monet (le lycée, pas le peintre, Chocho, Vanina et Guillaume faisaient partie de l’équipe), on avait perdu comme des billes, et Haudepin était avec Patrick Dewaere pour son premier film, Paco l’infaillible. Dewaere s’est suicidé pas longtemps après. Il se souvient parfaitement de cette affaire, on a des amis communs, il est sympa.
Courte réunion avec Roberto T. qui prépare la rétrospective Oliveira de Turin. On se met d’accord sur un texte, mais je suis moins d’accord avec les dates de rendu du dit texte, ça va être chaud. Douchet appelle, en pleine forme (il a adoré le De Palma, sacré Douchedouche !), je lui passe Roberto, allez, tous à Turin !
Je rentre dormir un peu, je suis tout content, c’est bientôt fini, ça fait combien de temps qu’on est là, deux mois ? Plus ? Il fait beau et chaud. Je convainc facilement Nick puis Fevret de pas faire chier Modiano dimanche soir pour une interview sur son expérience de juré. A mon avis, lui aussi doit être un peu fatigué, deux-trois films par jour, tout ce monde, parler avec Besson, ouf.
Au James Gray de 19 h, une expérience inédite : j’arrête pas de m’endormir par à-coups et me retrouve à noter mes rêves au lieu du film, gribouillis sur mon bloc, illisibles hélas. Le soir, à la fête Desplechin, je raconte cette expérience des limites à Séguret qui convient que c’est fort.
On va bouffer au Sofitel avec Irène, JFR, Olive, Jacques M. et Gavin Smith, le rédac’ chef de Film Comment, un copain new-yorkais. C’est plein en haut, tant pis, va pour le restaurant du bas, Chez Panisse, n’importe quoi. C’est pas terrible. D’autant que Mike se retrouve seul à la table juste derrière nous (pas d’amis ?), fait semblant de pas nous voir (glop) mais ne perd pas une miette de notre conversation (pas glop). Il se cache derrière son journal, sûrement pour noter ce qu’on dit (pas glop du tout).
Kagan nous rejoint et on tente la fête Desplechin sans invits. On rejoint Mulet et sa bande, déjà bien humectés. Devant les barrières, Jean-Mimi et Claire Denis se font refouler. Kagan avise un mec de Bac qu’il connaît vaguement et qui nous fait entrer, sauf Mulet qui est déjà parti ailleurs en nous traitant de gros cons et d’enculés, et Jacques qui dormait contre une barrière en poussant de gros soupirs de désespoir. On mettra deux heures à faire entrer tout le monde, sauf Jacques qui est déjà parti se coucher, tout triste, tout seul, muni de sa seule force morale et en nous maudissant.
Depuis cinq jours, Laszlo m appelle sans me laisser de numéro où le joindre. Tout le monde l’a vu, sauf moi. Je lui tombe enfin dessus et l’embrasse et le félicite comme il se doit. Plus tard, il prouvera une fois de plus qu’il est un grand acteur en se faisant passer pour l’assistant du producteur, pour faire entrer Mulet et les douze épaves qui le suivent partout. Y a plein de gonzes autour de Summer P., salement matée.
Bonne fête, rien d’exceptionnel. Comme je me lasse de cette vie monastique, je décide de finir la nuit avec Eric et son pote Rémy Fière. On commence par se faire jeter de la fin d’une fête Canal au Palm Beach, ça manque de dégénérer quand un pâle mec prend l’Espace d’Eric pour une navette Canal ( Sors de là, enculé !?, je résume et j’édulcore), on poursuit au bar latino de Daniel Ducruet (faut admettre que c’est hallucinant ), puis chez Fernande (au-delà des mots’), puis au marché Forville (tranquille ), puis à la gare, puis au Vieux Port, puis à l’Adosom où je me change avant de repartir au Palais. Voilà, j’aurais fait au moins une nuit typiquement cannoise et muletienne…
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