Le 13 décembre 1974, l’égérie du Velvet Underground Nico donne un concert avec Tangerine Dream dans la cathédrale de Reims. Un documentaire exhume les images et souvenirs de cette messe musicale mythique.
A Reims, on tend l’oreille. La scène musicale y pétille comme jamais : The Bewitched Hands, The Shoes, Yuksek, Brodinski, le festival Elektricity. A Reims, on y revient aussi. Dans son magnifique récit, Retour à Reims (Fayard, 2009), le sociologue Didier Eribon se livrait à ce regard rétrospectif sur une ville qu’il avait quittée à l’âge de 20 ans : une catharsis lui révélant à la fois tout ce qui le rattachait à ses origines champenoises et tout ce qui l’avait du faire depuis pour s’en libérer.
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Le retour à Reims que proposent Benoît Garel et Jan Sitta dans leur documentaire Reims 74, Rock Goes to the Cathedral se rapproche de ce geste de réappropriation d’une mémoire presque disparue, d’une époque – le début des années 70 – cherchant enfin à s’émanciper de sa triste et bourgeoise allure. L’histoire que les documentaristes réactivent ici est celle d’un singulier moment musical de la France d’alors : un concert hallucinant de Nico et Tangerine Dream au cœur de la cathédrale de Reims, le 13 décembre 1974. Une affiche conçue par Richard Branson qui venait de créer son label en Angleterre.
Spiritisme sublime
L’ex-égérie du Velvet Underground avec ses compatriotes allemands experts de l’éctro expérimentale accueillis par un archevêque dans l’église où l’on sacrait les rois de France ? L’audace et l’incongruité de l’affiche furent telles que France Inter capta le concert et que la presse s’en fit largement l’écho, surtout après les cris d’orfaie de toutes les ligues de vertu scandalisées par un tel blasphème. Benoît Garel et Jan Sitta ont retrouvé quelques acteurs clé de cette profanation vécue comme un enchantement par le public présent : les responsables de l’association locale Musique action Reims (le Mar), Jean-Claude Laval et Didier Lelong, le producteur de concerts Assaad Debs, quelques spectateurs impressionnés, mais aussi des journalistes médusés comme Paul Alessandrini.
Au-delà des souvenirs du concert lui-même, le film restitue l’ambiance et les rites de la scène rock de l’époque en France, à travers les témoignages de figures comme Marc Zermati, directeur de l’Open Market aux Halles à Paris, où l’on trouve la free press, les disques en import…
A côté de ces confessions d’anciens combattants du rock, le documentaire exhume les rares images filmées du concert mythique. Nico a l’air très bien dans ses pompes : sa voix impose dans cet antre de l’architecture gothique la ferveur sombre de son timbre. Dans un froid polaire, devant plusieurs milliers de personnes, venues de partout, la messe dite par Nico dérive vers une séance de spiritisme sublime. Même sans le Velvet à ses côtés, elle est ce soir-là la reine de France.
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