Loin de tout académisme, les deux nouveaux albums d’Andreas Staier braquent les projecteurs sur des répertoires négligés du romantisme. Ce que fait depuis maintenant quinze ans Andreas Staier, en bondissant du clavecin au pianoforte, n’a rien de convenu. Ses prestations discographiques, qui ménagent des répertoires sous-estimés ou des rencontres contrastées, renferment une once de fraîcheur […]
Loin de tout académisme, les deux nouveaux albums d’Andreas Staier braquent les projecteurs sur des répertoires négligés du romantisme.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ce que fait depuis maintenant quinze ans Andreas Staier, en bondissant du clavecin au pianoforte, n’a rien de convenu. Ses prestations discographiques, qui ménagent des répertoires sous-estimés ou des rencontres contrastées, renferment une once de fraîcheur effaçant la fadeur apparente de la corde pincée ou l’imperfection des premières tables à marteaux. On n’était déjà pas resté insensible à un album électrisant consacré aux différentes déclinaisons du fandango, qui s’arc-boutait autour du grand crescendo répétitif du Padre Soler. Staier vient aujourd’hui nous confirmer la stature musicale et historique d’un Muzio Clementi (1752-1832). Bien connu de tous les apprentis pianistes pour le pensum pédagogique qu’il leur a légué, ce dernier a effectué la transition entre l’époque du clavecin et celle du piano romantique : une évolution qu’on retrouve inscrite dans le parcours de Staier. Après Mozart, Clementi approche le style beethovénien, mêlé de puissance rythmique et d’influence populaire. Sommet de cette fusion expressive, la Sonate en fa mineur illustre on ne peut mieux les ardeurs du préromantisme. Staier restitue à merveille ce kaléidoscope musical, il en livre une interprétation fulgurante avant de s’abandonner aux variations limpides sur Au clair de la lune… Sa dernière exploration en date montre que les plus grandes œuvres ne sont pas forcément les plus reconnues. Avec le cycle de 15 lieder ou romances tirées de l’histoire de la belle Maguelonne et du comte Pierre de Provence, Brahms a livré une contribution originale à cette esthétique romantique qui lorgnait vers le culte du Moyen Age et les corpus populaires. Avec les Quatre chants sérieux et les Liebeslieder-Walzer qui hésitent entre Schumann et Mahler, c’est un chef-d’œuvre d’équilibre texte-musique. Edifiante, cette histoire riche en tourments, en bonheur et en malheur, que raconte un Sami Frey confondant de sobriété. Il embrasse les méandres innombrables de cette geste épique au profil descriptif et symbolique où la nature, comme chez Schubert, forme un cadre fantastique. C’est rarement avec un récitant, au rôle pourtant essentiel, que cette œuvre est donnée, et on peut jouir ici de toutes les nuances d’expression, du parlé pur au chanté, en passant par un accompagnement somptueux. Pour l’occasion, le couple parfaitement légitime, formé par Staier et le ténor Christoph Prégardien on leur doit une mémorable gravure du Voyage d’hiver de Schubert , maîtrise tous les degrés de cette fresque intime, souvent cruelle.
*
MUZIO CLEMENTI Sonates Andreas Staier, pianoforte (Teldec/Warner)
JOHANNES BRAHMS La Belle Maguelonne Christoph Prégardien, ténor ; Andreas Staier, pianoforte ; Sami Frey, récitant (Teldec/Warner)
{"type":"Banniere-Basse"}