Match-test entre deux jeux liés au cinéma, mené par Alexis Blanchet, un expert en la matière.
Docteur en histoire du cinéma, Alexis Blanchet vient de publier Des pixels à Hollywood, passionnante analyse des relations entre le jeu vidéo et le cinéma depuis les années 70. Il s’est penché pour Les Inrocks sur deux adaptations récentes de films en jeux.
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Iron Man : « La maniabilité manque de précision »
“Iron Man 2 (sorti en avril – ndlr) est révélateur de la politique menée par Marvel depuis les années 90. Dans les interviews données par ses dirigeants ou les rares documents internes, on se rend compte de l’attention très forte portée au devenir cinématographique de leurs personnages, alors que leur devenir vidéoludique est peu pris en compte.
La maniabilité d’Iron Man 2 manque de précision : on est soit dans l’extrêmement rapide, soit dans une extrême lenteur, et on se retrouve avec un objet aux réactions très frustrantes d’un point de vue ludique.
En même temps, on dispose d’immenses capacités qui rendent l’enjeu très faible. J’attendais beaucoup de la caractérisation de Tony Stark avec son côté flambeur, cynique, et ce n’est pas du tout pris en compte. C’est une adaptation qui ressemble à beaucoup d’autres, au sens où elle considère que ce qui a un potentiel vidéoludique est de l’ordre de l’affrontement, du combat.
Et elle efface toute une dimension qui fait d’Iron Man 2 un film plus adulte, tous ces éléments qui, du point de vue des développeurs, ne trouvent pas leur traduction.”
Prince of Persia : « un bon jeu, mais qui parle d’un autre temps du jeu vidéo »
“Pour Iron Man 2, la logique voudrait qu’on aille d’abord voir le film dont le jeu est un produit dérivé, mais pour Prince of Persia (sorti en mai – ndlr), ce n’est pas si clair. On a là deux objets distincts, par leur média comme par leur titre – Les Sables du temps au cinéma, Les Sables oubliés pour le jeu – et un film inspiré d’un jeu (Les Sables du temps, 2003) qui était lui-même le reboot d’une référence ludique de la fin des années 80. Curieusement, le film fait davantage penser à Assassin’s Creed, avec sa manière de saisir son héros sur les hauteurs d’une vaste cité et sa capacité à bondir et escalader en extérieur.
Quelque chose circule entre ces deux séries d’Ubisoft, mais les Prince of Persia sont plutôt des jeux d’intérieur. Sans doute parce qu’il y a une attente des spectateurs quand on leur évoque un imaginaire oriental, le film ne peut pas faire l’économie de grands plans d’ensemble spectaculaires.
Avec Les Sables oubliés, j’ai eu le sentiment de me retrouver dans le jeu de 2003. On est face à un bon titre, mais qui me parle d’un autre temps du jeu vidéo. Si l’on prend un peu de recul, cela illustre bien les stratégies des deux industries.
Le jeu vidéo profite de ce moment vitrine du film. Mais ce qui est intéressant, c’est que sont proposées simultanément au public deux fictions du même univers, avec des contradictions. C’est la voie dans laquelle devrait s’engager l’industrie du jeu vidéo. Parce qu’on n’a pas la possibilité de voir le film avant de faire le jeu, on produit une version alternative de cet univers, avec des enjeux purement vidéoludiques.”
Des pixels à Hollywood – Jeux vidéo et cinéma : une histoire économique et culturelle d’Alexis Blanchet (éditions Pix’n Love), 450 pages, 15 €
Iron Man 2 Sur PS3,Wii et Xbox 360 (Sega, de 50 à 65€)
Prince of Persia – Les Sables oubliés Sur PC, PS3,Wii et Xbox 360 (Ubisoft, de 50 à 70 €)
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