Plusieurs manifestations d’art contemporain, dont Le Temps déborde présenté actuellement au Blanc-Mesnil, s’ouvrent aux spectacles vivants.
Plusieurs manifestations d’art contemporain, dont Le Temps déborde présenté actuellement au Blanc-Mesnil, s’ouvrent aux spectacles vivants.
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Art Innover, inventer, voilà qui nécessite de manier franchement les concepts. Ou encore, voici des concepts qu’il convient de manier dans le respect de leur sens, qui consiste justement à avancer dans l’inconnu. Du Printemps de Cahors à Nouvelles Scènes à Dijon en passant par le festival Exit à Créteil, le croisement en actes entre art contemporain et spectacles vivants fait signe d’un champ d’action, d’exposition et de représentation non seulement commun mais foncièrement interactif. Le danger de la juxtaposition, voire de la foire, n’est cependant pas mince, et artistes, commissaires et producteurs n’en sont visiblement qu’au tout début de leur réflexion sur les différences entre interdisciplinarité et transdisciplinarité. Confondre le moins possible art et culture, ne pas s’imaginer que tout est dans tout, telles sont les voies à explorer et les limites de l’exercice. Le Temps déborde, actuellement présenté à Blanc-Mesnil est emblématique de cette réflexion. Le projet se présente sous la forme d’un parcours-exposition, où « mémoire et identité » sont mises sur la sellette, envisagées franchement à travers les uvres de Christian Boltanski, Stéphane Couturier, Matali Crasset, Luc Delahaye, Bruno Guiganti, Catherine Noury, entre autres, le n° 9 de la revue Synesthésie conçue pour Internet et les dépêches quotidiennes de l’Agence France-Presse (AFP) (re)traitées par Catherine Noury.
Au début, tout va bien. C’est une expo classique. Le hall mène dans une salle circulaire et sombre : mémoire à gauche avec Les Enfants de Dijon et L’Ecole juive de la Hamburger Strasse de Berlin par Boltanski ; identité à droite avec les saynètes vidéo d’un bébé monstrueux gavé d’images du monde par Pierrick Sorin. Poursuite dans les passerelles et à l’étage. En cours de route, un brouillage s’est produit. Face à l’ordinateur qui crache clichés et textes de l’AFP, l’installation de la série photographique FAIT de Sophie Ristelhueber montre les traces laissées par une guerre sans images dans un désert irradié entre Irak et Koweit. Cicatrices de métal rouillé cadrées sans horizon. L’ uvre d’art serait-elle susceptible de délivrer de l’information sans en revendiquer la fonction, l’autorité et, pour finir, le pouvoir ?
C’est dans cette diversité des propositions plastiques que Xavier Croci, directeur du Forum culturel, a décidé d’introduire des artistes du spectacle vivant. Libres de choisir leur emplacement et de décider de l’interactivité plus ou moins grande entre leurs performances et l’environnement plastique, la plupart ont élu domicile dans la salle du bas où cohabitent déjà Boltanski, Catherine Ikam/Louis Fléri et Pierrick Sorin. Pour sa pénombre clignotante ? Ou la présence rassurante d’une mémoire anonyme, appropriable ? Après Shams de François Abou Salem, qui conte d’une voix douce la terrible violence de l’exil, et avant la performance de Toméu Vergès et Claudia Triozzi (invitée également de la dernière édition du Printemps de Cahors), la compagnie Théâtre à Grande Vitesse déboule avec Ridée/lisse. Alors que le son et l’image de l’installation vidéo Ikam/Fléri continuent à s’exposer, deux s’urs jumelles perruquées égrènent méthodiquement les listes de maux, besoins, souvenirs, nécessités, superflus dont se gave le quotidien. Post-it collés sur le corps, érigés en pense-bêtes de nos douleurs, témoins actifs, sacrificiels. Témoin aussi, leur propre installation d’un porte-cintres où pendent des bas lestés de chaussures qui font comme des linceuls au fétichisme, à la féminité… Le deuil des illusions ou la pauvre victoire journalière d’échapper au pire, sauf à l’absence, le déhanchement neutre et l’abandon des masques : Véronique Petit et Evelyne Pérard creusent dans l’identité morne du réel les aspérités où la mémoire se fixe. Par éclats. Ce faisant, elles dénient à la banalité son effet gommant, son prétendu pouvoir de lisser l’expérience comme on lisse une dette et de nous abandonner dans un réel sans prise, sans attaches, sans responsabilité. Jubilation et gravité assurées, peut-être en écho à la rencontre organisée avec Catherine Ikam et Louis Fléri et intitulée Vers un monde parfait ?
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