Richard Kern, photographe.
On vous imagine amateur de cinéma. Quels sont les réalisateurs qui vous ont le plus inspiré pour votre travail et en particulier vos vidéos expérimentales ?
J’aime énormément Mario Bava et Dario Argento, mais la majorité de mes influences vient des films d’horreur et des séries Z. Evidemment, il y a eu aussi John Waters, Russ Meyer et les films de « mauvais goût ». J’aimais bien ce genre de choses, peu appréciées à l’époque, avec une sale réputation, qui sont cultes aujourd’hui. Tout ce que j’ai vu m’a plus ou moins influencé. Adolescent, j’allais voir les films de la Nouvelle Vague et des films d’Antonioni. Lui et Jean-Luc Godard ont été très importants pour moi. J’apprécie également Martin Scorsese : Casino est un excellent film. Bizarrement, j’adore les comédies américaines pour adolescents, genre American pie, et les films d’action, comme Peur bleue… Dans les années 70, j’allais voir des films expérimentaux : Michael Snow, Stan Brakhage. C’était tellement bizarre et brutal. Par contre, ceux que j’ai vu récemment m’ennuient. Quand je vais voir un film, je veux pouvoir tout oublier : je veux de l’action, du sexe… Il y a quand même Harmony Korine, que je trouve très doué, très expérimental justement. Mais le terme « expérimental » a tellement évolué : aujourd’hui, il y a au moins trois ou quatre gros festivals de films underground aux Etats-Unis. Ce sont devenus de gigantesques manifestations qui n’ont plus rien d’alternatif. Des gens m’envoient souvent leurs travaux et la majorité de ce que je reçois, je l’ai déjà vu il y a vingt ans. Rien de neuf. Par contre, j’apprécie les travaux vidéo de Sylvie Fleury et de Vanessa Beecroft. Personnellement, j’ai choisi de passer à autre chose : je ne fais plus de films, je fais uniquement de la photo.
Pourquoi un choix si radical ?
Je pense que la photo est ma vocation et que la réalisation de films était plus une digression. Les films que je réalisais, dans ma période punk, étaient très violents, très sombres sans doute à cause de la drogue, qui faisait partie de mon mode de vie. J’ai voulu que ça cesse et pour me remotiver, j’ai commencé une nouvelle carrière. La photographie s’imposait. Je voulais en finir avec cette attitude punk. A ce propos, j’ai demandé un jour à John Waters pourquoi ses films étaient devenus plus « straight », plus « normalement » drôles, et il m’a répondu qu’à 20 ans, c’était normal d’être un jeune homme enragé, mais qu’à 30-40 ans, ça lui paraissait débile et irrationnel. Malheureusement, je connais encore pas mal de gens bloqués dans une constante rébellion. Ils sont devenus de vieilles personnes amères.
Vous photographiez des femmes nues, de façon quasiment pornographique. Qu’est-ce qui a fait naître en vous cette envie ? L’exemple d’un autre photographe ? Ou une femme en particulier ?
Ma mère, je suppose (rires)… En vérité, je voulais un travail amusant et qui puisse aussi me faire vivre décemment. On peut même se faire pas mal d’argent avec la photographie de nus, même si ça n’a pas toujours de valeur artistique. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, photographier des filles nues, ce n’est pas si facile. Mais pour moi, c’est venu assez naturellement. On a coutume de dire qu’avant la puberté, les préadolescents sont fascinés par la violence, les jouets de guerre, et qu’ensuite, ils découvrent les filles et qu’ils se disent « Ça suffit, on oublie les pistolets et on va s’amuser avec les filles ! ». Je pense que c’est un peu ce qui m’est arrivé. C’était une sorte de progression logique pour moi, par rapport à ce qui s’était passé à New York dans les années 80. J’ai fait des films avec Lydia Lunch. Je ne l’ai pas choisie : c’est elle qui est venue me chercher pour travailler ensemble. C’est une grande figure du punk, une véritable icône. Aujourd’hui, je me suis radicalement éloigné de tout ça, de cette attitude « fuck you ». Je fais des choses plus légères. Par contre, Lydia est restée quelqu’un de très « négatif ». Je vois énormément Kim Gordon, qui est tout à fait l’opposé de Lydia : elle est bien plus sereine et positive. J’ai beaucoup apprécié le travail que j’ai fait avec elle et Sonic Youth. Rita Ackerman, une peintre américaine, m’inspire beaucoup, elle aussi. On me demande souvent ce que je pense des travaux de Nan Goldin et sincèrement, je trouve que c’est déprimant.
La musique a-t-elle aujourd’hui une influence dans votre travail ?
Avant, j’étais à fond dans la musique, il fallait absolument que j’écoute tout ce qui sortait. Aujourd’hui, je constate, avec effarement, que j’aime tout ce qui passe sur MTV, même les clips de Jennifer Lopez… Je trouve le phénomène culturel MTV très intéressant : c’est tellement addictif et adolescent. Ils ne présentent que les dix tubes du moment, qu’ils passent en boucle : on se croirait de retour à l’époque où il n’y avait qu’une fréquence radio. J’écoute n’importe quoi, genre le Top 50, je m’en fiche complètement. Bref, mes goûts ne sont plus très punks. La preuve, j’aime bien Offspring et Green Day. Pourquoi pas, après tout ? C’est amusant de voir qu’ils sont devenus millionnaires en jouant comme ça, alors que dans les années 70, ce genre de groupe aurait joué dans des petits bars et n’aurait jamais eu de succès. Ma seule fidélité en musique, c’est que je continue à aller voir des concerts de Sonic Youth, de temps en temps.
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