Alain Chamfort, chanteur
A quand remontent vos premiers souvenirs de musique ?
Je devais avoir trois ou quatre ans. Sur les conseils de ma marraine, mes parents m’ont fait débuter le piano très tôt. C’est passé par des méthodes tout à fait basiques et des petits extraits d’oeuvres de Mozart, de Beethoven, de Schubert. Déjà, j’avais une affection particulière pour Chopin c’était très romantique et j’avais vraiment tendance à être ému par sa subtilité harmonique. A douze ans, je devais me présenter au concours d’entrée du Conservatoire, mais d’un seul coup, j’ai découvert Salut les copains. Là, j’ai été initié à la musique américaine, la musique pour teenagers, quelque chose qui s’adressait directement à nous. J’étais captivé par la musique de Ray Charles, et plus généralement par tous les disques des Noirs américains. Ensuite, vers 15-16 ans, j’ai adoré toute la vague Stax, Otis Redding, Wilson Pickett. Le rock à l’état brut, Eddy Cochran, Chuck Berry me faisaient moins réagir. J’étais plus sensible à la rythmique soul. Et puis j’aimais aussi beaucoup la bossa-nova, qui était pourtant peu en vogue c’était une musique adulte, qu’on écoutait dans des milieux auxquels je n’appartenais pas, des milieux un peu plus bourgeois. Ça me plaisait bien, c’était assez sensuel. En tout cas, les premiers groupes dans lesquels j’ai joué étaient surtout influencés par la soul, mais également par les Animals, les Small Faces. Des Anglo-Saxons très influencés par la musique noire américaine.
Qui sont les chanteurs qui vous ont amené à apprécier la variété française ?
Chez moi, il y avait Tino Rossi, et puis aussi des choses comme Edith Piaf, Léo Ferré, des accordéonistes, de l’opérette : tout ça était très culture populo. Ensuite, j’ai vraiment découvert le monde de la chanson française à travers la radio et les parents de certains de mes copains qui étaient plus jeunes que les miens. L’un en particulier s’intéressait au jazz, et je me souviens qu’il avait aussi toute une collection de disques de Brassens et de Barbara. Plus tard, j’ai accompagné Dutronc, dont j’étais proche de ce qu’il faisait. J’aimais bien aussi certaines chansons d’Aznavour, de Léo Ferré, puis de Julien Clerc. Quand il est apparu dans les années 68, il était porteur d’un renouveau représentatif de notre génération. Il était beau, avait une voix particulière, des textes qui venaient de nulle part, ces délires d’Etienne Roda-Gil : c’était évocateur de quelque chose d’exacerbé et de nouveau.
Quels sont les groupes actuels qui vous touchent ?
J’en écoute assez peu. Je suis juste au courant, vaguement. J’écoute pour m’informer, mais je suis rarement satisfait entièrement par ce que j’entends. Je l’ai été au moment où j’ai découvert la musique, parce qu’il y avait une espèce de naïveté chez les gens, dans l’approche de leur travail. Il y avait quelque chose de beaucoup plus spontané que ce que j’entends aujourd’hui. De nos jours, j’ai l’impression qu’il n’y a que des intentions, constamment. Mais il y a quand même de vraies tentatives intéressantes, par des gens comme Beck quelqu’un qui sait manifestement synthétiser des tas de musiques très différentes, qui a assimilé beaucoup de courants musicaux… Il a un savoir-faire évident, mais bon, ça ne m’émeut pas. J’attends toujours le choc, j’attends d’avoir le plaisir. Pourtant, je n’aime pas vivre non plus dans la nostalgie. Récemment, j’ai bien aimé ce groupe, cette fille qui chante « Je ne veux pas travailler… » (Pink Martini). J’aime également assez Brad Mehldau. C’est pas mal, mais ce n’est pas Miles Davis non plus.
Allez-vous au cinéma ?
Mes parents nous y emmenaient souvent. C’était le cinéma du samedi soir, le divertissement, les films avec Fernandel, Bourvil… Ensuite, c’est devenu une vraie histoire d’affinités. Pendant toute une période, j’ai beaucoup apprécié le cinéma italien, qui me fascinait : Fellini, Pasolini, Antonioni surtout. Scola également : Nous nous sommes tant aimés. J’aimais aussi le cinéma américain, mais celui d’avant-guerre : les comédies musicales, les Capra, Mankiewicz, Lubitsch, des choses plutôt classiques, en somme. J’ai aussi toujours eu un penchant pour le cinéma anglais, tout Hitchcock, Blake Edwards, les films avec Peter Sellers, La Panthère rose…
Un des derniers films qui vous ait marqué ?
Celui auquel je pense immédiatement, c’est Shine, (film australien de Scott Hicks), l’histoire d’un jeune garçon très doué pour le piano, alors que son père, qui est dans une tradition juive très stricte, tient absolument à ce qu’il fasse des études. Finalement, le garçon deviendra concertiste et fera une carrière incroyable aux Etats-Unis, une espèce de Glenn Gould… L’autre nom auquel je pense tout de suite, c’est celui des frères Coen : Fargo, j’ai adoré, The Big Lebowski également. Je suis aussi fidèle à Ken Loach et Pedro Almodóvar.
Vos lectures les plus marquantes ?
Récemment, j’ai lu un livre qui s’appelle Le Liseur de Bernhard Schlink, un texte que j’ai beaucoup aimé. J’ai une attirance pour le symbolisme en ce moment, la poésie symbolique. J’essaie de lire La Divine comédie de Dante je fais des efforts , mais c’est une espèce de gouffre incroyable, ça donne une sensation de vertige. Je lis aussi Le Testament philosophique de Mozart, de René Terrasson, un sacré morceau… A un moment donné, j’aimais énormément un auteur japonais, Kawabata, et puis Gérard de Nerval également. De plus en plus, j’essaie de varier un peu mes lectures. A vrai dire, je ne sais pas si un livre m’a jamais influencé. J’ai une capacité à ne pas faire de rétention, à toujours conserver une forme d’intensité au moment où je fais les choses, au moment où je lis, où j’assiste à un événement artistique. Ensuite, je ne reste pas accroché à cette nourriture intellectuelle, je passe à autre chose.
Une compilation, Ce n’est que moi, vient de paraître.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}