Passant du virtuel au réel et de la science-fiction au quotidien, l’impression en 3D trouve toujours plus d’applications, ludiques, scientifiques et commerciales.
L’impression 3D, ou la fabrication en quelques heures d’un objet à partir d’un modèle numérique, était il y a peu encore réservée aux entreprises désireuses de créer des prototypes. De plus en plus accessible, cette technique sert aussi aujourd’hui à réaliser des produits finis, qui représentent actuellement 20% des impressions 3D et atteindront 50% d’ici 2020, d’après The Economist.
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Désormais, cette innovation gagne le grand public. Deux entreprises, dont la française Sculpteo, proposent aux particuliers de réaliser leurs objets à partir de leurs modèles. Pour environ 1000 dollars, quelques sites proposent des imprimantes 3D (robosavvy.co.uk, store.makerbot.com), et on trouve même des machines open source à construire soi-même (reprap.org). La qualité des objets obtenus ne vaut pas le rendu d’imprimantes pro, mais les geeks les plus bidouilleurs peuvent s’en amuser et se familiariser avec la technologie.
« Tout le monde veut des produits personnalisés »
Pour fabriquer l’objet dont le modèle 3D est chargé dans l’ordinateur relié à l’imprimante, celle-ci dépose une poudre de polyamide en très fines couches successives solidifiées par laser suivant la forme de l’objet désiré. Une autre technique consiste à agglomérer une poudre de plâtre, couche par couche, avec une colle.
Pour Clément Moreau, directeur général de Sculpteo, l’impression 3D va se développer car « les technologies d’impression 3D ont beaucoup évolué et font de beaux objets, qui ne se cassent pas, la 3D virtuelle devient plus familière, et tout le monde veut des produits personnalisés. »
Sur sculpteo.com, chacun peut poster un fichier 3D, réalisé chez soi avec un logiciel grand public comme Google SketchUp. Puis Sculpteo fabrique l’objet, et en quarante-huit heures, son créateur le reçoit. Propriétaire de son design, l’internaute peut le proposer ensuite à la vente sur le site et toucher une commission.
En un peu plus d’un an, 1200 modèles, soit 10% de la fabrication, ont ainsi été postés sur le site. Les objets créés par les internautes vont de la pièce détachée de cafetière au bijou ou à la pièce de modélisme, et les utilisateurs sont très variés, comme l’explique Clément Moreau :
« Certaines personnes sont très techniques, d’autres pas du tout. On a une bonne cliente américaine de 74 ans qui fait des modèles incroyables. On a des jeunes qui font des figurines inspirées de jeux vidéo ou pour des jeux de plateau. »
Un artiste britannique a fait réaliser des parties du corps humain pour une oeuvre, des dentistes ont commandé des modèles de mâchoires de leurs patients… La technologie progressant vite, on peut imaginer dans un avenir proche des machines fabriquant des objets en métal biocompatible : pour remplacer un col du fémur, il suffirait de scanner celui qui est cassé et de fabriquer une pièce identique. Aux Etats-Unis, des imprimantes 3D fabriquent déjà des objets en métal (shapeways.com).
« On ne veut pas devenir une plate-forme de piratage »
Mais des questions de copyright se posent déjà. Fabriquer une pièce de rechange peut-il être assimilable à de la contrefaçon ? Est-il légal de diffuser des fichiers 3D d’objets déposés ? Que se passe-t-il, par exemple, si on modélise une figurine Playmobil et qu’on la fait fabriquer par Sculpteo ? « Le client s’engage à avoir les droits sur les objets qu’il commande. C’est fondamental. On ne veut pas devenir une plate-forme de piratage », insiste Clément Moreau.
Les personnes qui réaliseraient sur leur propre machine open source quantité de copies d’objets protégés pour les commercialiser se rendraient coupables de contrefaçon et de violation du droit d’auteur. Clément Moreau ajoute toutefois :
« Si ça ne trouble pas l’ordre public, on fait ce que nous demande le client. » Ce qui a conduit Sculpteo à refuser de fabriquer pour une personne « un vrai pistolet, dans une matière qui ne sonne pas à l’aéroport ».
Si chacun peut fabriquer ce qu’il souhaite, la démocratisation de la technique pourrait-elle annoncer une alternative à la consommation de masse ? Pour l’instant, les logiciels 3D comme Google SketchUp nécessitent une certaine maîtrise du dessin et de la modélisation, mais avec l’apparition prochaine d’applications de scan 3D sur smartphone, leur usage devrait être très simplifié. Et on n’est pas loin d’imaginer un monde de la customisation totale dans lequel on s’enverra des chaises par mail.
Anne-Claire Norot
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