Surbookés, speedés… mais toujours connectés : dans « Facebook m’a tuer », Thomas Zuber et Alexandre des Isnards racontent avec force exemples à quel point les réseaux sociaux ont changé nos vies.
Sur Facebook, on pensait avoir tout dit ou presque, notamment sur la façon dont (avec son ancêtre Myspace) il nous a propulsés dans l’ère du self-branding avec gonflement de nos ego à la clé. Mais la façon dont les réseaux sociaux modifient nos rapports avec les autres est au fond plus intéressante – et plus dérangeante – que la question du narcissisme.
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C’est ce à quoi s’intéressent Thomas Zuber et Alexandre des Isnards avec leur livre Facebook m’a tuer, dans lequel chacun se reconnaîtra avec plus ou moins de bonne foi… Car c’est un fait : ultra-joignables, addicts à l’urgence, adeptes de la transparence, nous sommes malgré nous modifiés en profondeur par les nouvelles technologies. Et les auteurs font mouche en évitant les « faits divers » Facebook relayés jusqu’à saturation par les médias (une employée virée pour avoir critiqué son patron sur son mur, etc.) pour préférer nous tendre un miroir.
Le livre se présente ainsi comme une succession de petites scènes drôles ou grinçantes que nous avons tous observées ou vécues à l’ère 2.0. Des exemples ? Deux copines sur Facebook qui se laissent des messages « faut qu’on se voie ! »… sans jamais se voir ; une soirée de crémaillère à laquelle, sur cinquante invités, trente-neuf répondent « peut-être » car tout le monde est en recherche d’un meilleur plan pour ce soir-là ; un déjeuner avec un ami où les iPhones sont posés sur la table et où il est normal d’être interrompu par un appel toutes les dix minutes ; une fille qui s’énerve de voir que son copain est en ligne sur Facebook alors qu’il ne répond pas à ses textos…
Tout ça vous paraît banal ? Normal, car cette petite révolution s’est faite imperceptiblement, mais sûrement : nous sommes devenus en un temps record des « whyers » (de la fameuse génération Y) qui passent d’un écran à l’autre en permanence. Une façon de gérer ses relations personnelles finalement proche du monde de l’entreprise, et qui a inspiré aux auteurs cette suite logique de leur best-seller L’open space m’a tuer :
« En travaillant sur l’open space, on s’est rendus compte que, finalement, c’était un univers très proche de celui de Facebook, explique Thomas Zuber. Un espace où l’on vit sous le regard des autres, où l’on court dans tous les sens et où l’on n’est jamais disponible pour parler longtemps avec quelqu’un. »
Car ce que pointe le livre, c’est bien qu’en 2011, prendre le temps de se voir « IRL » (In Real Life) tient désormais du superflu, voire de la bizarrerie… Alexandre des Isnards constate :
« On voit bien au quotidien que la multiplication des moyens de communication conduit en fait à limiter le contact. Plus que l’opposition entre virtuel et réel, qui est un peu dépassée dans l’analyse d’internet, c’est intéressant de voir comment se met en place une socialisation basée sur un évitement de l’autre.
Ce que le livre appelle ironiquement les « mondanités en jogging » : fini les soirées tout seul devant sa télé, puisqu’on trouve toujours quelqu’un pour discuter sur MSN ou sur Facebook… au lieu de se bouger pour aller boire un coup. Comme le rappelle cette vidéo, aux Etats-Unis, 57% des internautes sont plus bavards sur Internet qu’IRL.
http://vimeo.com/20198465
Alors, déprimant, ce constat ? Pas tout à fait, car le livre a le mérite de ne jamais adopter un ton moralisateur et de décrire avec humour ces comportements dans lesquels les auteurs sont les premiers à s’inclure : « Nous-mêmes, on a eu du mal à écrire le bouquin avec Facebook ouvert », nous avouent-ils devant un demi rue Oberkampf. Eh oui, juré, pour cet article on s’est rencontrés pour papoter IRL. Entre deux coups de fil et trois SMS quand même…
Marjorie Philibert
Facebook m’a tuer d’Alexandre des Isnards et Thomas Zuber (Nil), 288 pages, 18 euros
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