Un documentaire diffusé ce soir sur France 2 clôt le chapitre de la garde à vue “à la française” bouleversée par la réforme de juin 2011. Le bilan d’une époque, sans regrets, à travers les témoignages des gardés à vue, policiers et professionnels de la justice.
“Avant la garde à vue, ma vie était normale, comme celle de tous les citoyens. Après la garde à vue, ma vie ne sera plus jamais la même.”
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Le documentaire de Brigitte Vital-Durand et Jean-Bernard Andro s’appuie sur cette rupture symbolique dans l’existence de 900 000 Français l’an dernier : 24 heures où, pour avoir voyagé sans titre de transport, arrêté de verser une pension alimentaire ou insulté un agent de police, ils se retrouvent en cellule sans jamais y avoir pensé.
Le film fait écho en images au livre du journaliste Mathieu Aron, Gardés à vue, qui faisait témoigner dans la longueur ces citoyens ordinaires placés dans une situation à leurs yeux extraordinaire. Il est diffusé comme un dernier rappel de ce qu’était le régime de garde à vue avant la réforme de juin 2011, depuis que l’avocat du mis en cause assiste aux interrogatoires. Une révolution des pratiques et des rapports de force au sein du commissariat, où, jusque là, la puissance publique pesait, écrasante, sur l’individu retenu.
Une expérience rude
Le magistrat Serge Portelli l’affirme : “une frange de population auparavant entendue est relâchée est aujourd’hui placée en garde à vue”. L’explosion du nombre de procédures est à la fois liée à l’entrée de cet indicateur dans la mesure de la performance policière et à un cadre légal plus strict pour retenir quelqu’un dans un commissariat.
Perte de la notion du temps, délabrement matériel, absence de dialogue avec les policiers : pour bon nombre de citoyens, peu familiers du système judiciaire, l’expérience est rude. C’est à ces personnages que s’attachent les auteurs.
Tranquillement, illustré par les dessins de Clément Desnos et des extraits de vidéosurveillance des cellules, le documentaire donne la parole à toute la chaîne pénale, policiers, avocats, juges, contrôleurs des lieux de détention. Ils révèlent leurs attentes et leurs priorités parfois contradictoires. Là où un avocat envisage la fouille à corps (désormais interdite) comme un abus de pouvoir inutile, un gardé à vue comme une mesure d’humiliation, le policier souligne sa responsabilité personnelle :
“Si on préfère avoir quelques suicidés plutôt que des centaines de milliers d’humiliés, ça c’est le problème du législateur, mais en tout état de cause ce n’est pas au policier d’être désigné comme lampiste.”
La difficulté à résoudre “l’injonction contradictoire entre une demande de sécurité et une demande de liberté”, résumée par la commissaire Sylvie Feucher, a sans doute trouvé une issue. L’avocat, entré en 1993 dans l’univers du commissariat (à la 23e heure de garde à vue), présent dès le début de la procédure depuis 2000, voit aujourd’hui son statut renforcé. De simple lien impuissant avec l’extérieur, il devient un acteur de ces heures où son client, pressé de questions, joue parfois ses prochaines années.
Camille Polloni
Vous êtes en garde à vue, jeudi 16 juin à 22h50 sur France 2 (émission Infrarouges).
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