C’est l’histoire d’un jeune homme qui voulait libérer tous les horaires et les cartes de métro pour les donner aux voyageurs au nom du libre partage des données. Une aventure avec des méchants (la RATP), des bons princes (Eric Besson et François Fillon) et un trésor caché.
Il y a un an, un jeune homme (Benjamin Suchar) lançait l’application gratuite CheckMyMetro pour smartphone. Principe du gadget : tuer le temps dans les couloirs sombres du métro parisien en proposant aux usagers de partager des infos fatidiques du style : « contrôleur à la sortie d’Alesia, ce matin à 11h » ou « Laam la chanteuse vient de descendre à Madeleine, direction St. Lazare ». Une sorte de twitter entre usagers du métro qui parlent du métro. Soit.
En mai dernier, le créateur décide d’aller plus loin et lance une deuxième version de son application avec consultation de la carte, des horaires et des itinéraires du métro parisien. Mais là, c’est le drame. Mi juin, sans sommation, la RATP demande à Apple de supprimer cette application concurrente, sous prétexte qu’elle copie sans autorisation le plan et les données, propriété exclusive du réseau parisien.
Après deux semaines de discussion, le compromis est trouvé : CheckMyMetro peut rester, mais dans sa version originelle (sans carte ni horaire), donc seulement comme « mini réseau social » avec toutes les informations passionnantes que cela suppose, soit un florilège de : « Oh non, pas encore de l’accordéon », « les filles du wagon sont trop bien ce matin », « mon voisin pue », « la dernière pub des galeries Lafayette me rend ouf « .
Bref, du coup, supprimer la carte et les horaires de CheckMyMetro, c’était un peu enlever la nouvelle partie vraiment utile de l’application (le signalement des contrôleurs aurait pu être pas mal, mais il reste peu fiable pour l’instant).
Si vous le faites pas pour moi, faites-le au nom de l’Open data
Voyant son social game gratuit (financé par la publicité géolocalisée et ciblée) perdre un des intérêts principaux et en plus être menacé par la soudaine gratuité, depuis fin mai, de l’application RATP (qui propose plan et horaires et ininéraires), Benjamin Suchar a sorti son costume de Robin des bois.
Il tente alors la stratégie « pavé dans la mare » en regrettant publiquement que la RATP ne suive pas la tendance « open data », visant à partager le maximum de données publiques gratuitement. Citant l’exemple de Rennes et Bordeaux, où les transports publics laissent libre accès à leurs infos (et toc).
Jouer la victime de la RATP, c’était très bien joué de sa part. Car l’open data, c’est LA grande mode du moment, la nouvelle ère promise. C’est même carrément un enjeu politique, ouvertement clamée dans les programmes des partis (PS comme UMP) pour 2012. Fin mai, François Fillon incitait d’ailleurs toutes les administrations publiques à lancer des processus d’ouverture de leurs données au public (ex : sécurité routière, qualité de l’air, l’emploi) « gratuitement et dans les meilleures délais ».
Eric Besson s’en mêle
Ouvrir les données au public, mais pourquoi ? D’une, pour éviter l’effet WikiLeaks en jouant sur la transparence officielle (« tout est en libre accès au public, on n’a rien à cacher, ne cherchez pas »), et deux, pour booster l’innovation et l’économie (notamment le développement de start up comme CheckMyMetro) sur un marché évalué à 27 milliards d’euros par an dans l’Union européenne.
Du coup, mardi matin, c’est le cabinet d’Eric Besson (ministre chargé de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique) qui s’en mêle en contactant directement la RATP pour essayer de trouver un arrangement.
En attendant de gagner son combat pour la libération des données, CheckMyMetro a décidé de créer sa propre carte du métro parisien libre et ouverte à tous.P our ce faire, Benjamin Suchar a lancé le concours « CheckMyMap » destinés aux artistes, designers et graphistes, ce qui changera du copié/collé à l’origine de la polémique.
Jeanne La Prairie