Sólveig Anspach, cinéaste
Vous avez des racines islandaises et américaines mais vivez en France depuis longtemps. Quel effet ces voyages permanents ont-ils eu sur votre culture ?
J’ai évidemment énormément d’affection pour l’Islande, où je retourne souvent, et plus généralement pour les pays du Nord. Il découle de cette attraction viscérale un goût particulier pour la littérature nordique, et plus généralement pour ce qui vient « d’ailleurs » donc aussi pour les auteurs américains. J’aime par exemple énormément un livre d’une Norvégienne, Herbjorg Wassmo, Le Livre de Dina une histoire épique en trois volumes sur la vie d’une femme dans le Grand Nord. Dans le même ordre d’idées, j’écoute beaucoup de musique venant d’Is-lande : Björk, Gus Gus, Emiliana Torrini. Il y a chez tous ces artistes un sens de la fête, de la célébration, qui me rappelle des tas de souvenirs personnels. En Islande, les gens travaillent très dur pendant toute la semaine, et quand vient le week-end, tout le monde se lâche, c’est fabuleux… J’ai souvent passé mes vacances sur l’île de Vestmannaeyjar, qui est un peu la Corse de l’Islande, à trois heures de bateau. J’y ai beaucoup de souvenirs très chers. Je me souviens d’un été, en 1973, où nous avons dû déterrer notre maison, ma grand-mère et moi, après une éruption qui a recouvert la moitié du village de lave et l’autre moitié de cendres. Du coup, ces souvenirs-là sont liés à un ensemble d’images qui ont totalement disparu : les rues où je jouais enfant n’existent plus, elles sont recouvertes de lave à jamais.
Quels sont les souvenirs de musique liés à votre enfance ?
Ceux-là sont liés à Paris, où je vivais le reste de l’année. Le premier disque que j’ai acheté avec mon argent de poche, c’était Shaft d’Isaac Hayes. J’aimais aussi Eric Clapton et puis Cat Stevens (rires)… La musique est beaucoup plus importante pour moi aujourd’hui. Ce que j’écoute le plus, c’est une fanfare qui s’appelle Les Acousmates, dans laquelle joue mon compagnon. Ils sont treize et jouent sur les marchés le dimanche ou en tournée, l’été, et je les accompagne des moments magnifiques… Il y a dans la musique de fanfare quelque chose de la vie qui me touche, un mélange de vivant et de bordélique qui est très beau. Il y a aussi des fausses notes mais ça fait partie du jeu : ce sont de belles fausses notes… Sinon, il y a en France quelqu’un dont j’écoute sans cesse le disque, c’est Roudoudou. J’adore le côté inattendu et très pictural de sa musique.
Pour revenir à la lecture, on connaît votre passion pour James Ellroy.
Lorsque j’ai lu pour la première fois un de ses livres, je ne voulais pas le finir, je voulais qu’il se prolonge encore et encore, indéfiniment. Du coup, j’ai lu tout Ellroy, en étant totalement hantée par son univers. Ensuite, j’ai voulu réaliser un film sur lui : nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, nous sommes même devenus assez proches. J’ai rencontré ses amis, sa famille, j’ai travaillé sur ce projet pendant trois ans, mais faute d’argent, je n’ai jamais pu le finir… Récemment, j’ai fait une autre découverte importante : Hervé Prudon, avec Cochin. En lisant ce livre, j’avais l’impression de voir des séquences de mon film. J’aime ce ton décalé, drôle. L’écriture d’Hervé est très pudique et pourtant, il livre beaucoup de lui-même. J’ai aussi adoré Pastorale américaine de Philip Roth.
Vos meilleurs souvenirs de cinéma ?
L’Islande est malheureusement pas mal américanisée : on le sent dans la façon dont les gens s’habillent ou mangent, dans la publicité, le cinéma. Là-bas, on ne voit pas d’autre film que les grosses productions américaines, hormis Besson-Beineix. Donc, pour le cinéma comme pour la musique, ça s’est passé à Paris. Mon père m’emmenait chaque semaine à la Cinémathèque, avec ma soeur. Il connaissait tout le cinéma américain et a donc fait mon éducation en me parlant pendant des heures des acteurs, de mise en scène, de technique. A ses côtés, mon plus grand choc a sans doute été M le Maudit, et puis tout le cinéma expressionniste allemand. Grâce à cette passion transmise par mon père, j’ai eu envie de faire des films quand j’étais encore très jeune. Une envie qui est devenue plus forte et plus précise encore en grandissant, lorsque j’ai découvert par exemple l’univers du documentaire et des films comme Harlan County, USA de Barbara Kopple. Dans les coups de foudre au cinéma, il y a eu aussi, dans des genres très différents, L’Aurore de Murnau, Johnny got his gun de Dalton Trumbo, Lenny de Bob Fosse, les films de Ken Loach, ou dernièrement Sue perdue dans Manhattan d’Amos Kollek un film auquel je pense quasiment tous les jours.
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Haut les coeurs ! (avec Karin Viard et Laurent Lucas)
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