Oubliée, Karen Dalton aurait pu l’être définitivement si une bonne âme n’avait pas l’an passé ressuscité l’impressionnant It’s hard to tell who s going to love you the best, le premier des deux albums enregistrés par cette jeune passionaria de Greenwich Village, publié pour la première fois en 1969. Constitué de versions poignantes et profondément […]
Oubliée, Karen Dalton aurait pu l’être définitivement si une bonne âme n’avait pas l’an passé ressuscité l’impressionnant It’s hard to tell who s going to love you the best, le premier des deux albums enregistrés par cette jeune passionaria de Greenwich Village, publié pour la première fois en 1969. Constitué de versions poignantes et profondément habitées de chansons de ses intimes Fred Neil et Tim Hardin, de Leadbelly ou Jerry Roll Morton, de hits soul ainsi que d’airs folk traditionnels lentement décortiqués et réappropriés, cet album vaut avant tout pour la redécouverte d’une voix irréelle : un genre de gosier tremblant et cuivré, à la fois râpeux et enjôleur, qu’on jurerait propriété d’une blueswoman noire à la Bessie Smith ou Billie Holiday (certains plaisantins la surnommaient d’ailleurs Hillbilly Holiday) et qui appartient en réalité à une bâtarde de l’Amérique ultra-profonde, mi-irlandaise mi-Cherokee, native de l’Oklahoma. Débarquée à New York au début des sixties, Karen Cariker deviendra, sous son nom hérité d’un mariage avec un professeur de collège, une pensionnaire des cafés bohèmes des environs de Bleecker Street, et les témoignages recueillis pour le livret de ce disque (qui forment un passionnant récit en étoile) peinent à reconstituer le sillage de cette grande fille volubile, toujours en partance (le Mexique, la Californie, le Colorado ) et rarement aux rendez-vous qui auraient pu faire d’elle une artiste de premier ordre. On dit pourtant que Dylan lui-même resta pétrifié par l’une de ses performances au Flamenco Café, ce qui expliquerait pourquoi l’une des chansons des Basement tapes écrites par The Band, Katie s been gone, lui serait destinée, non loin d’une autre intitulée Bessie Smith?
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