Qu’est-ce qui se cache derrière les noms de domaine et les extensions ? A la veille d’une révolution annoncée, petite visite des coulisses du .com et du .fr
En juin dernier, le nom de domaine social.com a été vendu aux enchères pour 2,6 millions de dollars. En 1997, il n’avait pas trouvé preneur pour 50 000 dollars, mais à l’heure du succès des réseaux sociaux, ce terme prend une tout autre dimension. Alors que l’on dénombre 346 millions de sites Internet dans le monde, posséder une adresse simple et explicite est un facteur de succès décisif.
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Aussi, le 1er juillet, les nouveaux termes mis à disposition par l’Afnic (Association française pour le nommage internet en coopération) ont été pris d’assaut avec 2 500 requêtes déposées en quatre heures. Chargé de la gestion technique et administrative des noms de domaine en .fr, l’Afnic a en effet ouvert les termes « fondamentaux », soit 30 000 noms sensibles jusqu’alors interdits ou réservés. Schnouf, junkie, bordel, cadavre, mais aussi espion, catholicisme, agence ou université en font partie, tout comme les noms des communes françaises.
Pour obtenir un de ces termes, les demandeurs doivent justifier « d’un intérêt légitime » – qui risque d’être difficile à démontrer pour nazi.fr ou mein-kampf.fr. Adjoint au directeur général de l’Afnic, Loïc Damilaville se réjouit de cette ouverture qui selon lui dynamisera la croissance de l’extension .fr, aujourd’hui utilisée pour plus de 2 millions de noms de domaine. Il existe pour l’instant environ 300 extensions dans le monde, la plupart correspondant à des noms de pays.
L’organisme qui gère mondialement les questions relatives aux adresses IP et aux noms de domaine, l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), lancera en septembre une extension annoncée de longue date et controversée : le .xxx, destinée à l’industrie pornographique. Malgré l’engouement qu’elle suscite (plus de 600 000 inscriptions en mai), l’extension est très critiquée car facile à censurer. L’Inde a ainsi déjà prévenu qu’elle pourrait bloquer les sites en .xxx.
Mais d’autres extensions vont bientôt voir le jour et surtout ne plus être gérées par l’Icann mais par des propriétaires privés. Dès janvier, quiconque sera prêt à payer 185 000 dollars pourra soumettre à l’Icann un dossier sollicitant l’extension de son choix.
« Ça se fait à l’américaine : n’importe qui peut proposer n’importe quoi mais un système d’objection permettra aux gouvernements et aux détenteurs de marque d’opposer leur veto. Sur des noms génériques, ce sera cependant compliqué. Le premier arrivé sera servi et si plusieurs personnes ont la même idée, il y aura des enchères, car l’Icann n’a pas autorité pour choisir, » explique Loïc Damilaville.
Sur certaines extensions, la bataille est déjà engagée : on dénombre plusieurs .sport, deux .eco, deux .vegas… Il pourrait cependant devenir difficile pour les internautes de s’y retrouver dans cette jungle d’adresses. Faudra-t-il saisir lesinrocks.inrocks, lesinrocks.mag, lesinrocks.com, lesinrocks.presse ? Le risque est alors que les gens passent par les moteurs de recherche pour (re)trouver les adresses et que les noms de domaine perdent de leur force et de leur poids. En contrepartie, les recherches pourraient s’en trouver facilitées.
« Si Google fait remonter les noms en .sport sur toutes les requêtes contenant le mot sport, cela donnera du sens à l’extension. Les gens qui ont une activité liée au sport en auront besoin pour optimiser leur référencement. »
Mais le succès des nouvelles extensions dépendra aussi de leur attrait. Certaines extensions ont fait un flop (.aero, .museum) tandis que d’autres, détournées, se révèlent populaires de façon inattendue. « Le .me, extension du Montenegro, fait fureur aux Etats-Unis. C’est un véritable actif pour ce pays qui a peu de ressources. Il y a le .la, du Laos, utilisé pour indiquer Los Angeles, et le .nu de l’île Niue. 700 000 .nu ont été déposés en Suède parce que ‘nu’ signifie nouveau en suédois. Les îles Tuvalu ont fait de leur .tv l’extension de la télé. Le gouvernement local en tire entre 5 et 10 millions de dollars par an », sourit Loïc Damilaville.
Anne-Claire Norot
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