Depuis PJ Harvey, jamais le blues n’avait été aussi bien travaillé. Lauren Hoffman choisit le rouge, vif. La pochette annonce la couleur : rouge sang. Les douze chansons de cet impressionnant premier album achèvent de donner le ton vermillon, avec une couche de rouge en plus. A l’intérieur du livret, c’est avec des ailes […]
Depuis PJ Harvey, jamais le blues n’avait été aussi bien travaillé. Lauren Hoffman choisit le rouge, vif.
La pochette annonce la couleur : rouge sang. Les douze chansons de cet impressionnant premier album achèvent de donner le ton vermillon, avec une couche de rouge en plus. A l’intérieur du livret, c’est avec des ailes d’ange accrochées au dos que Lauren Hoffman accueille le visiteur à peine refroidi par l’apparente austérité de l’entreprise. Le contenu tient résolument ces promesses antinomiques, mariant les extrêmes et fusionnant les contraires. Bien que l’état civil donne tout juste 20 printemps à Lauren Hoffman, sa musique en accuse bien plus avec l’élégance de ces belles à la croisée de leur fougue adolescente et d’une douce maturité. Sur le plan musical, le disque rappelle que même si on a appris depuis 1992 à décliner le blues au féminin et à le conjuguer au présent, on n’avait que bien trop rarement eu le loisir de vérifier l’équation. Il faudra donc remonter au Dry de PJ Harvey pour recenser une prise de possession si autoritaire d’un espace aussi restreint, d’un intérieur étouffant dans lequel se fondent une guitare énorme rouge, forcément , une basse et une batterie. La voix, souple et gracile, investissant les moindres interstices aménagés par l’architecture sonore intelligente de David Lowery et John Morand, producteurs aux états de service prestigieux dans les rangs du rock américain. Aidés par le multi-instrumentiste Jon Brion le John Parish d’Aimee Mann , ceux-ci façonnent tout au long de Megiddo un écrin à la texture chaude et moite dans lequel se lovent à plaisir des textes aux entournures rêches et impudiques. Lauren Hoffman barbouille à l’encre rouge, inévitablement des histoires de cannibales et de suicides, recroquevillée sur une personnalité écartelée entre ses désirs d’enfant et sa réalité de femme, comme le souligne le très nostalgique Hope you don’t mind : « Il n’y a pas si longtemps, j’étais cette petite créature avec ses poupées, ses étoiles et ses rêves, ne connaissant rien d’autre que l’amour.«
Loin de se complaire dans l’auto-apitoiement, ce tic qui plombe tant de bonnes intentions, la plume d’Hoffman verse avec une égale réussite dans la causticité et le second degré qui font trop souvent défaut à ses collègues. Rock star, à la carrure de futur tube, pointe la fascination morbide du fan de rock (« Je t’aime dix fois plus mort que vivant »), avide de cadavres jeunes et beaux, aux destins tragiques de préférence. Utilisant à plein le cadre d’un dépouillement instrumental idéal, Megiddo n’en emprunte pas moins des sentiers franchement rock, du très t.-rexien Lolita à Alive et son obsédant motif de guitare. The Cannibal Ed, clin d’oeil au rockabilly le plus orthodoxe, rappelle que l’Américaine a fait ses premiers pas sur la scène country-folk, notamment en compagnie du groupe entièrement féminin September 67. A l’autre bout du spectre musical traversé par la jeune femme, on trouve la somptueuse ballade Fall away, incontestable joyau d’un album pas avare en grands moments Lauren Hoffman fréquenta dans sa jeunesse les bijoutiers de Sparklehorse. Un petit disque rouge qui ne saurait tarder à faire sa révolution culturelle.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}