Miguel Angel Molina propose une peinture concrète, comme un objet qui vient envahir notre quotidien. Une façon inventive de sortir la peinture de sa crise.
Voix douce et posée, grand calme apparent, rien ne laisse supposer que Miguel Angel Molina, sous son allure d’impénétrable Latin, a l’humeur mutine quand il s’agit de peinture. Né en 1963 à Madrid, il se définit comme peintre, se souciant comme d’une guigne de la mauvaise cote de popularité de la peinture d’aujourd’hui. Mais avec lui on est bien loin du chevalet, du tableau accroché au mur, ou de l’objet un peu sacralisé que l’on observe religieusement. Et loin aussi de l’introspection et de l’intimisme qui signe l’art actuel. La peinture de Miguel Angel Molina, c’est la tache, la flaque, la coulure, le stalactite pictural, tout ce qui n’est pas bien net, se fourre dans les coins et dégouline sur la table. Ce qui peut donner lieu à des grosses taches fluo exposées sur des tables en formica, ou des crevasses murales remplies de matière grumeleuse. Qui donnent d’ailleurs une impression de déjà-vu. Mais cea n’est pas vraiment le « voir » qui l’intéresse, plutôt l’idée de mettre la peinture en scène pour qu’on la touche, qu’on la retourne telle une crêpe…
Passé par les beaux-arts de Madrid dans les années 80 où il fait une peinture dans la tradition des mentors catalans, Tapiès, Millares , Miguel Angel Molina constate qu’il s’ennuie ferme, que les bidouillages parallèles qu’il pratique sont bien plus excitants. Ce qui donne lieu à des opérations plutôt réussies : une vieille 404 Peugeot remplie ras la gueule de peinture fluide et offerte aux palpations des passants dans le quartier du Marais à Paris, des moquettes de gouache où le visiteur est convié à tester sa sensualité à grand renfort de slatch, slatch sonore ou encore des couvertures de peinture de 5 cm d’épaisseur qu’on préconisera plutôt en demi-saison. La peinture devient alors un objet très familier, convivial, les flaques de peinture séchée et présentées telles quelles ou sous vide peuvent envahir n’importe quel espace et en premier les lieux publics. Pourquoi ne pas acheter une petite peinture tout en remplissant son frigo ? Exposée en fines lamelles sous feuille de plastique au rayon frais entre jambon et saucisson, la flaque de peinture s’achète comme n’importe quel produit consommable de supermarché. Et si les mains ou les pieds de Miguel apparaissent sur les photos, ça n’est pas pour mettre un peu de lui dans cet univers de recherche pure, mais pour prendre la juste mesure des choses, « pour faire un référent, une échelle, et donner une position dans l’espace ».
Mais la peinture a-t-elle encore des choses à dire, après le pop-art ou Support Surface qui l’ont tour à tour analysée, disséquée, conceptualisée ? Oui, répond imperturbablement l’Espagnol : « On peut dire des choses avec n’importe quoi. Ce qui m’intéresse dans la peinture, c’est qu’elle est très vieille, et se positionner aujourd’hui en tant que peintre a un poids énorme. L’art se crée à partir d’oeuvres existantes. » Est-ce d’ailleurs au nom de cette tradition qu’il transforme son patronyme pour adopter les initiales MAM, rappelant étrangement le sigle d’une institution ? A moins qu’il ne s’agisse du logo d’une nouvelle industrie de pointe, ce qui serait somme toute logique de la part d’un constructeur d’objets… « Je fouille dans l’histoire de l’art, je trouve des artistes qui m’interpellent et j’essaie d’aller plus loin. Ma logique est simple : l’espace réel a trois dimensions, la peinture est réelle, donc elle a pour moi trois dimensions. J’applique cette formule sur toutes mes oeuvres. » De la couverture chauffante au steak de peinture : sous des airs de formule savante, MAM propose une autre façon de rapprocher l’art du quotidien.
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