Voyage sans retour Eternels complices schubertiens, Christoph Prégardien et Andreas Staier se retrouvent pour un ultime périple. Le titre est trompeur, ce Voyage d’hiver ne mène nulle part et n’évoque aucune contrée extraordinaire ; il tourne en rond, chacun des lied s’achevant comme il débuta, par le même thème. C’est que le pèlerin marche dans […]
Voyage sans retour Eternels complices schubertiens, Christoph Prégardien et Andreas Staier se retrouvent pour un ultime périple.
Le titre est trompeur, ce Voyage d’hiver ne mène nulle part et n’évoque aucune contrée extraordinaire ; il tourne en rond, chacun des lied s’achevant comme il débuta, par le même thème. C’est que le pèlerin marche dans ses propres traces. Quasi immobile, il disserte sur lui-même : « Etranger je suis venu, étranger je repars », déclare-t-il dès le premier lied. Mais vient le moment où il ne repart plus, car son pas ralentit, fléchit et se fige et pourtant, nulle trace de coup, pas de sang dans la neige… Qui lui dira, à ce voyageur abattu, que sa lassitude est intérieure ? Pour son ultime cycle vocal, Schubert exprime une souffrance personnelle, le sentiment intime d’une errance sur cette terre. Ce Voyage intérieur reprend néanmoins le mouvement de la marche, qui parcourt le cycle dans sa totalité. La marche, ici sous les doigts du pianiste Andreas Staier, suit les moindres anfractuosités du sol. Elle folâtre (La Girouette), s’interroge en tremblant (Larmes gelées), se pétrifie, à la recherche de l’inconnue (Engourdissement), s’attarde sur sa peine (Inondation), avance à pas feutrés (Sur la rivière), souffle un instant (Repos), médite sur un amour de jeunesse (Rêve de printemps), bondit au son du cor du postillon (La Malle-poste), s’envole vers son double, l’oiseau noir (La Corneille), grimpe sur un chemin escarpé, prise dans la tempête (Le Matin d’orage), s’élève comme une prière (Les Parhélies), foule des paysages désolés (Le Poteau indicateur), trébuche sur un chemin glacé (L’Auberge) ou s’élance « joyeusement de par le monde contre vents et tempêtes ! » (Courage !).
Wilhelm Müller, le poète dont Schubert reprend les vers, avouait que ses chansons « ne mènent qu’une demi-existence, une vie de papier, noir sur blanc… jusqu’à ce que la musique leur insuffle l’haleine de la vie, ou, si déjà elle y sommeillait, l’invoque et l’éveille. » Eternel complice schubertien du pianiste sur scène et sur disque avec le cycle de La Belle meunière de Müller et des lieder d’après Goethe et Schiller , le ténor Christoph Prégardien ne cherche pas à l’inverse d’autres réenregistrant ce cycle à plusieurs années de distance avec le même style affecté à s’arc-bouter sur chaque mot et le souligner exagérément ; il chante avec simplicité et naturel, respirant avec cette musicalité tant désirée par Müller.
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Franz Schubert, Le Voyage d’hiver - Christoph Prégardien, ténor ; Andreas Staier, pianoforte (Teldec/Warner)
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