S’éloignant toujours plus de sa veine hystérico-excentrique, Pedro Almodóvar propose un mélodrame coloré dédié aux femmes, sur une variation d’All about Eve. Il en commente ici quatre photos de tournage. « Pour Esteban, le jeune garçon qui va mourir, il y a un moment où sa mère, en passant devant la photo de l’affiche d’Un Tramway […]
S’éloignant toujours plus de sa veine hystérico-excentrique, Pedro Almodóvar propose un mélodrame coloré dédié aux femmes, sur une variation d’All about Eve. Il en commente ici quatre photos de tournage. « Pour Esteban, le jeune garçon qui va mourir, il y a un moment où sa mère, en passant devant la photo de l’affiche d’Un Tramway nommé désir, se confond avec l’image de l’actrice principale, Huma (Marisa Paredes). La dernière chose qu’il pense avant de mourir, c’est que sa mère pourrait très bien tenir le rôle d’Huma. Et c’est ce qui se passera par la suite. Il était essentiel que l’agrandissement photographique ne soit pas de trop bonne qualité, on a donc utilisé l’offset d’il y a vingt ans. J’aime beaucoup cet éparpillement de couleurs. C’est plus beau. »Pedro fait des signes à Antonia
« Quand je tourne, je joue tous les rôles. Ici, je suis en train d’indiquer à Antonia comment elle doit désigner les parties de son corps qui ont subi des opérations. Elle raconte comment on lui a mis de la silicone dans les lèvres, le front, les pommettes, les seins et le cul… Les filles (des travestis) m’avaient donné une liste de ce tout ce qu’elles s’étaient fait refaire. C’était comme une recette de Frankenstein. J’ai dû résumer et m’en tenir aux choses essentielles. »
Pedro et les putes
« Nous avons reproduit près de Madrid un lieu de la prostitution barcelonaise. Le brasero est un élément typique de ce genre d’endroit en hiver, car les travestis sont tous à moitié nus. Les seules sources de lumière sont le brasero et les phares des voitures, qui créent des images très fantasmatiques. Les lumières sont basses et on ne voit pas très bien les visages. On ne voit que les corps, les seins. Les voitures tournent et tournent en rond comme une noria et il y a plein de poussière. Dans la réalité, c’est très impressionnant. Les travestis sont de vrais travestis. La plupart viennent de Barcelone parce qu’ils sont plus intéressants. »
« C’est la scène la plus comique du film. C’est une fête, mais une fête très cheap. Il y a même des pipas (graines de tournesol). C’est une chose qui me rappelle beaucoup mon enfance. Cette petite dînette a un côté très féminin et quasiment infantile. Elles parlent de bites comme des petites filles. Le papier peint est un authentique papier peint des années 70, comme on en trouve souvent à Barcelone dans les appartements bon marché. Plastiquement, ça me plaît beaucoup. »