Touche-à-tout militant, doué et séduisant, cinéaste reconnu pour Mourir à 30 ans et Lettre pour L…, Romain Goupil s’est entouré de ses nombreux amis pour faire son autoportrait d’une génération. Sous le regard curieux d’une comédienne de quinze ans sa benjamine, Marianne Denicourt. Avant A mort la mort !, le film, il y avait un […]
Touche-à-tout militant, doué et séduisant, cinéaste reconnu pour Mourir à 30 ans et Lettre pour L…, Romain Goupil s’est entouré de ses nombreux amis pour faire son autoportrait d’une génération. Sous le regard curieux d’une comédienne de quinze ans sa benjamine, Marianne Denicourt.
Avant A mort la mort !, le film, il y avait un livre, un roman que Romain Goupil a publié l’année dernière mais que je n’ai lu qu’après avoir tourné. Je ne connaissais pas Romain Goupil. Il m’a appelée deux ou trois mois avant de commencer le tournage et je ne pense pas qu’il m’avait en tête avant. On s’est vus et il m’a donné un scénario à lire, que j’ai trouvé formidable : l’incroyable joie de vivre qui s’en dégage m’a plu. Et l’insolence aussi. Et puis je trouvais très drôle l’idée que Romain joue aussi dans le film. On sentait qu’il voulait vraiment parler de lui. C’est pour ça qu’à côté des acteurs, surtout des actrices, il a fait appel à ses proches, ses copains de toujours. Moi, j’interprète un personnage un peu particulier, sa femme. Une fille d’une autre génération puisqu’il s’est choisi une femme plus jeune ça arrive assez fréquemment, apparemment. Et puis, il y a cette chose quand même étrange : elle a des cornes énormes, cette pauvre Ermeline, cocue comme c’est pas permis ! Mais c’est raconté avec une telle grâce… Le personnage de Romain trompe toutes les filles, mais il ne le fait jamais contre quelqu’un. C’est juste une espèce de goût de la liberté, assez coquin, parfois insolent, mais toujours avec une vraie joie de vivre, un grand appétit. Le film est scandé par des morts, des enterrements et la seule façon de résister est de profiter de la vie, de profiter des autres, des gens : profiter dans le bon sens, sans les utiliser.
Tous ces morts, ces gens qui partent, ça le rend profondément mélancolique et, en même temps, ça vaut toujours le coup d’aller coucher avec une fille ! Je trouve tout ça très juste et justement dit. J’ai un peu le sentiment de passer pour une « jeune conne » en disant ça, mais j’ai pensé que notre génération n’a pas su, ne sait pas, autant profiter des choses. J’ai l’impression que la génération que décrit Romain est formidable : cette bande de copains, c’est un truc de génération, sa génération. Tous ces personnages, ces femmes et ces hommes, sont de belles personnes. Goupil est très au-dessus des trucs mesquins et dans les histoires de couples, c’est toujours très délicat à raconter. Là, c’est juste effleuré. Comme la politique, à la fois présente et absente du film. C’est quand même sa vie, à Romain, la politique. Il a toujours été engagé, ça a toujours fait partie de lui. Mais là, le militantisme est filmé de façon très particulière : on sait que tous ces gens sont engagés, sans vraiment savoir pour quelle cause. On les voit surtout nouer des relations avec les autres, créer et entretenir des liens très fort. C’est ça l’engagement, pour Romain. Et il est parfaitement cohérent avec ça dans sa pratique, sa façon de tourner, d’être avec les autres : c’est la première fois que je vois quelqu’un résister à ce point au goût du pouvoir une chose rare pour un metteur en scène. D’habitude, ils utilisent toujours leur pouvoir, quelquefois de façon tyrannique. C’est son film, mais il n’y a pas de rapport de force, jamais. Tout est dans les rapports de séduction. Romain a le goût de l’amitié, des femmes, mais sûrement pas du pouvoir. »
Quinzaine des Réalisateurs, jeudi 13 mai.