L’hypersexualisation des enfants inquiète les autorités mais émoustille le net.
Le 21 février, le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) et le SPM (Syndicat de la presse magazine) signaient une charte commandée par la ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot. Son but : lutter contre l’hypersexualisation des enfants dans les médias. Un rapport plus général lui a été remis le 5 mars par Chantal Jouanno, qui considère que l’hypersexualisation est « la cause de la régression féminine » et développe des « conduites à risque« , comme l’anorexie. Ce sont les petites filles qui sont le plus souvent et le plus visiblement touchées par ce phénomène.
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Ce rapport propose notamment d’interdire les concours de mini-miss, déjà dans le collimateur de la justice. Il faut dire qu’ils se sont multipliés depuis la sortie du film Little Miss Sunshine en 2006, qui était pourtant une parodie de l’univers des concours de beautés. Aux Etats-Unis, plusieurs parents sont accusés de maltraitance, physique comme psychologique : soumises à des régimes draconiens, dopées aux cocktails hyper-énergisants, nombreuses sont les fillettes baignant dans des rêves de gloire qui ne sont pas les leurs.
La sexualisation des enfants passe en grande partie par l’industrie de la mode. Chantal Jouanno veut ainsi empêcher les marques d’utiliser des moins de 16 ans comme égéries. Aux Etats-Unis, la polémique enfle autour du photoshoot de Vogue qui met en scène Thylane Blondeu, 10 ans, perchée sur des talons vertigineux et habillée comme une poule de luxe, alanguie sur des coussins à imprimé léopard… Le retour au port l’uniforme, vieille obsession de la droite, est envisagé pour mettre un frein à la surenchère des marques – vêtements toujours plus courts, et toujours plus copiés sur la mode adulte. Mais à l’heure où les lolitas hantent les rues et les mangas, l’uniforme est devenu un objet ultime de fantasme…
Pente glissante
Le problème, c’est aussi celui de la définition des limites entre hypersexualisation et pédophilie. L’extrême mise en scène des enfants est une vraie pente glissante et confrontent trop souvent les fillettes à des problèmes d’adultes : sous le feu de projecteurs, elles sont exposées à une fascination parfois obsessionnelle et malsaine des spectateurs. Ce fut le cas pour la mini-miss JonBenet Ramsey, violée et assassinée par un de ses admirateurs.
Difficile de se mettre d’accord sur la ligne à ne pas franchir, et encore plus lorsqu’il s’agit « d’art ». En 2009, le Tate Museum de Londres avait dû décrocher une photo jugée indécente de Brooke Shields. Elle était alors âgée de 10 ans et posait nue, le visage barbouillé de maquillage. Le même cliché n’a pourtant pas fait scandale quand il a été présenté à New York. Plus récemment, c’est le clip de Love in motion de SebastiAn qui fait le buzz. Réalisée par Gaspar Noé, la vidéo montre une enfant de 10 ans danser devant la caméra en jouant de ses charmes comme une grande. Du pain béni pour les prédateurs du net.
Aujourd’hui les petites filles sont plus admiratives des danses lascives Beyoncé et des chansons moyennement classes de Nicki Minaj que de Simone de Beauvoir ou Aung San Suu Kyi. Instrumentalisées comme des femmes, elles sont soumises à une pression médiatique permanente, tiraillées entre les différentes images que la société et les médias leur renvoient et les poussent à la surenchère. Et si les médias ont leur part de responsabilité, c’est aussi aux parents de savoir dire « stop ».
Alexandra Caussard
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