Internet réveille les vilains penchants qui sommeillent chez certains internautes. Qu’en dit le psy ?
Ce qu’on trouve sur internet laisse parfois perplexe. Par exemple, certaines vidéos comme celles du Cinnamon Challenge (photos ci-dessus), défi qui consiste à avaler une cuillère de cannelle en poudre sans la recracher (ou mourir étouffé). Le nutshot, broiement volontaire des testicules, fait aussi partie de cette « culture Youtube » et a même donné naissance à des sites spécialisés, comme nutshot.fr.
Pourquoi des pratiques aussi douloureuses, dangereuses et ridicules, sont-elles si populaires ? Internet développe-t-il nos penchants SM ou se contente-t-il de leur offrir une plus grande visibilité ? La recette n’est pas nouvelle. Une bonne chute a toujours fait et fera toujours rire. De 1990 à 2008, l’émission Vidéo Gag sélectionnait des vidéos amateurs montrant des chutes involontaires. Les présentateurs précisaient toujours qu’aucune des personnes filmées n’avait été blessée. On trouvait également une version plus hardcore : l’émission Jackass (MTV), dont le succès fut immense auprès des jeunes. Beaucoup moins auprès des parents : certains ados se seraient blessés (voire tués) en voulant reproduire leurs cascades.
Peut-on parler de masochisme dans ces vidéos ? Pour le psychologue-psychanalyste Dominique Berthon, il s’agirait davantage de rites initiatiques, comme ceux pratiqués encore dans certaines tribus.
« Ce n’est pas la souffrance qui est recherchée mais le dépassement de soi. » Ceux qui se mettent en scène sont dans » la recherche de la reconnaissance par leurs pairs comme valeureux, explique-t-il. C’est un comportement plus masculin que féminin. »
Une justification qui ne fait que souligner le danger de ces pratiques. « Il y a de la surenchère, il y a donc de vrais risques », ajoute le psy.
Quel est le rôle du numérique là-dedans ? « Internet agit dans ces situations comme un amplificateur de l’imaginaire. » Le plaisir que l’on en tire est démultiplié.
« C’est plus la jouissance du regard des autres sur moi qui est en jeu, que la jouissance masochiste de la douleur », souligne Dominique Berthon.
Il faut ensuite distinguer deux catégories d’internautes : ceux qui regardent et ceux qui filment. Les premiers n’ont pas un comportement de sadique mais de voyeur. Une fascination née d’une frustration : le voyeur « voudrait faire mais ne peut pas. Beaucoup de gens se rendent compte de l’énormité de ce qui leur est montré et ils rêvent d’en être capables », poursuit Dominique Berthon. Les seconds, ceux qui provoquent ou captent les scènes de douleur, sont dans un comportement sadique.
« Il y a une vraie jouissance à infliger douleur et humiliation et cette jouissance est multipliée par l’idée que l’on va montrer ça à tout le monde. »
Pas de masochisme donc, mais une bonne dose de voyeurisme et de sadisme avec toujours un objectif : la recherche du sensationnel. De nombreuses vidéos qui circulent sur la toile montrent des chutes spectaculaires sans se soucier de préciser l’état de santé de ceux qui tombent. Certaines ont même été accusées de montrer des accidents mortels. D’autres le revendiquent. On est loin de l’aseptisé Vidéo Gag.
Alexandra Caussard