La Petite flamme de Mourad Beleksir est un objet précieux, elle se promène, maligne et dangereuse, à brûle-pourpoint.
Un homme lové sur le sol, couché sur un lit de lumière, murmure doucement « Il est cinq heures, Paris s’éveille ». Des cadres lumineux, rouges, bleus et jaunes réveillent les murs en brique noire du Théâtre de l’Echangeur. L’ambiance prend soudain des allures de comédie musicale dans laquelle tous les strass et paillettes auraient disparu, un « négatif » de music-hall.
Mourad Beleksir ne parodie pas le genre, il « le déplace », comme il le dit si bien, à la manière d’un Jacques Demy ou d’une Chantal Ackerman au cinéma. Les danseurs de claquettes racontent l’histoire de Saliha, la première ballerine arabe du début du siècle qui disparut lors d’une tournée en Allemagne en 1936. Dans un duo amoureux, on reconnaît un extrait des Enfants du paradis, un homme, laconique, s’improvise organisateur de Bingo pour souligner les mouvements du Cac 40, un autre chante a cappella un « tube » d’Oum Kalsoum des mille et une nuits, soutenu vocalement par deux femmes qui remplacent à merveille les violons. Les danseurs/chanteurs glissent sans aucun à-coup dans l’espace, les corps s’harmonisent, les gestes sont empreints d’une grande douceur, comme s’ils prolongeaient un état de demi-sommeil. Et pourtant, un climat d’intranquillité s’installe, une violence subtile, presque inconsciente. Aucune démonstration de force, juste l’absurdité de la réalité, à peine décalée.
Une Petite flamme dérange parce qu’il est politique sans en avoir l’air, sans montrer du doigt, en perturbant les systèmes, les codes. Le spectacle ne fait appel à aucun volontarisme, il mélange les genres, non pas pour faire « tendance » mais comme simple ouverture à différentes lectures. Les formidables individualités des six « participants » difficile de donner un nom à ces acteurs, danseurs, chanteurs et l’ingéniosité de Patrice Hamel, dont les lumières jouent le septième personnage, ajoutent à l’effet tiroir. Chacun est porteur d’une histoire qui, si elle n’est pas racontée, existe en filigrane de par sa seule présence singulière.
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