As-tu des souvenirs musicaux liés à l’enfance ? Je me souviens du tout premier disque que j’aie entendu, il s’agissait de musique traditionnelle pakistanaise. En fait, en Inde, tu n’as pas besoin des disques pour écouter de la musique : elle est partout, les gens en écoutent en permanence. D’une certaine manière, je peux dire […]
As-tu des souvenirs musicaux liés à l’enfance ?
Je me souviens du tout premier disque que j’aie entendu, il s’agissait de musique traditionnelle pakistanaise. En fait, en Inde, tu n’as pas besoin des disques pour écouter de la musique : elle est partout, les gens en écoutent en permanence. D’une certaine manière, je peux dire que je suis né « dans » la musique. Pour un gamin qui grandit en Inde, l’oreille se forme dès le plus jeune âge, tu deviens presque naturellement musicien, il suffit de se décider à la pratique des instruments pour que tout devienne possible. Moi, j’ai choisi un instrument classique, les tablas. Je n’ai découvert le rock qu’à mon arrivée en Angleterre, je devais avoir 11 ou 12 ans. A l’époque, ce sont les Jam qui m’ont fait la plus grosse impression. Leur musique était très instinctive, leurs chansons avaient la force des choses simples, mélodiques et jouées avec un réel enthousiasme. Pour moi, les Jam étaient bien plus excitants que les groupes punks. Mais, déjà à cette époque, j’avais une approche très diversifiée de la musique, je pouvais écouter The Jam et Nusrat Fateh Ali Khan, de la musique pakistanaise et Siouxsie & The Banshees. Je n’ai jamais pu me cantonner à un seul style de musique.
Tes goûts cinématographiques sont-ils aussi variés ?
Nettement moins. Mais là encore, j’ai grandi dans un milieu totalement épris de cinéma : en Inde, le cinéma et la musique sont les deux seules choses qui unissent vraiment les gens, toutes classes sociales confondues. Et, aujourd’hui, Bombay peut sans doute se vanter d’avoir la plus grande concentration de vidéastes au monde des jeunes types à peine adolescents mais déjà familiarisés avec l’image et la prise de vues, qui n’ont qu’une envie : monter des films. Bombay a toujours été la ville des productions cinématographiques en Inde. C’est là-bas que sont tournés toutes les comédies et les films commerciaux destinés à la télévision. Je détestais ces films autrefois, mais aujourd’hui je les regarde avec amusement, tellement ils sont mélo et hyperréalistes : ce sont de véritables caricatures du quotidien populaire, des sitcoms à l’indienne dans lesquelles les gens ne peuvent pas danser, rire ou pleurer sans en faire des tonnes… Pour moi, Satyajit Ray et Ritwik Ghatak sont les deux cinéastes indiens les plus importants. Ray a un don pour l’écriture des scénarios et pour l’esthétique. Il a réussi à capter le mouvement comme personne, en proposant des angles de caméra incroyables, dans de longs plans-séquences magiques. Il reste celui qui a retranscrit le plus fidèlement l’imaginaire indien dans la composition de l’image et traduit le mieux la problématique morale et sociale de l’Inde après l’Indépendance. Le cinéma de Ritwik Ghatak est assez différent, mais j’ai aussi une très grande admiration pour lui. Ghatak était avant tout un preneur de son fabuleux, capable de construire des dialogues entiers en reposant entièrement sur des sons, des bruits, des ambiances de rue. Ses films montraient toujours des personnages violents, tourmentés, entraînés contre leur volonté dans des histoires sombres et tragiques. Ses personnages étaient probablement une interminable déclinaison de lui-même il était tellement alcoolique qu’il en est mort. Il a fait peu de films mais tous ont marqué l’histoire du cinéma. Ghatak était un modèle d’intégrité, il n’a jamais cédé à la compromission : même dans les périodes les plus difficiles de sa vie, il est resté fidèle à sa vision, à son art.
Tu vois beaucoup de nouveaux films ?
Peu, la musique me prend quasiment tout mon temps. Récemment, j’ai beaucoup aimé Dance of the wind, un petit film réalisé par un jeune cinéaste londonien, Rajan Kholsa, à propos de la musique classique. J’ai peu d’attirance pour les films américains, anglais ou français. J’ai beaucoup de mal avec les films de votre pays, ils sont à l’image des Français : un peu trop orgueilleux à mon goût.
Parle-nous de ton rapport à la lecture.
Pour moi, lire n’est jamais un moment de détente : un livre réclame beaucoup de concentration si tu veux pleinement en saisir le contenu et apprendre à connaître son auteur. A une époque, je lisais énormément, mais j’ai dû freiner ma consommation de bouquins. En ce moment, je suis plongé dans L’Orientalisme, un livre écrit par le penseur palestinien Edward Saïd. C’est très profond, son écriture et sa réflexion sur le lien intime entre la musique et les civilisations qui la jouent m’ont beaucoup inspiré pendant que je composais mon album. D’ailleurs, je lui ai dédié le premier single, Traveller.
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